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Un espace extérieur rien qu’à soi : mode d’emploi

Comment se faire construire une terrasse privative en milieu urbain ?

Longtemps réservées aux plus chanceux, elles font rêver les citadins. Les terrasses, c’est la promesse d’une parenthèse en forme de déjeuner au soleil, d’un apéritif entre amis, d’une soirée d’été qui s’éternise sous les étoiles...

 

Quelles étapes suivre, quelles erreurs éviter ? L’architecte Francesco Loconte, fondateur de KIDA Architecture & Design qui s’est chargé de réaliser la terrasse du projet Montmartre, partage ci-dessous son expertise pour guider ceux qui souhaitent, un jour, vivre un peu plus près des étoiles.

  • Vous n'avez pas de terrasse, mais vous vous lancez dans des travaux de rénovation ? Parlez-en à un architecte. Si votre projet se trouve sous les combles, il sera peut-être possible de transformer une partie de volume en terrasse, de reculer un mur pour créer un balcon... si votre copropriété, les services de l'urbanisme et les Architectes des Bâtiments de France donnent leur accord. Idem si votre logement se trouve à l'aplomb d'un toit plat.


Quelques conseils pour la faire vôtre :

  • Travaillez les limites : balustrades, jardinières, claustras… Les contours de votre terrasse participent à sa sécurité comme à son esthétique. Pensez-les comme un écrin, capable de préserver l’intimité tout en valorisant la vue.

  • Soignez la continuité dedans-dehors : matériaux, tonalités, mobilier... Prolongez le style de votre intérieur à l’extérieur pour créer une impression de volume agrandi et un lien naturel entre les espaces.

  • Exploitez la verticalité : même sur un petit toit, les parois peuvent accueillir plantes grimpantes, étagères d’appoint ou éclairages suspendus. Un bon moyen d’optimiser sans encombrer !

  • Respectez le contexte : n’oubliez pas que votre terrasse s’inscrit dans un paysage urbain. Intégrez-la de manière harmonieuse en respectant l’architecture du bâtiment et les vues des voisins. Comme l’explique notre architecte expert ci-dessous, c’est aussi un gage de sérénité dans les démarches administratives.

L’avis de l’architecte : Francesco Loconte, co-fonfadeur de KIDA Architecture & Design

 

Tout le monde rêve d’avoir une terrasse en ville. Quelles sont les différentes étapes à respecter pour sa construction ?

 

Il faut d’abord racheter des combles et/ou une portion de toiture, à sa copropriété, puis obtenir son accord pour effectuer les travaux. Attention : vos voisins copropriétaires sont en droit de les refuser ! D’où la nécessité de leur présenter un projet établi par un architecte qui aura en amont effectué une mission de faisabilité. Les copropriétaires des immeubles environnants peuvent aussi s’y opposer s’ils estiment que la construction future représente une gêne, y compris visuelle. Après quoi, c’est à l’architecte de la mairie de valider le projet : à lui de vérifier qu’il répond au Plan local d’urbanisme. Ce même projet sera ensuite présenté à l’architecte des bâtiments de France, qui s’assurera de la cohérence de son échelle et de son insertion harmonieuse dans l’environnement.

 

D’autres interlocuteurs doivent-ils être consultés ?

 

Oui. Le rachat de la toiture implique nécessairement l’intervention d’un notaire. Un géomètre modifiera alors les tantièmes alloués à chaque membre de la copropriété. Enfin, un ingénieur structure devra vérifier que la construction envisagée n’endommage pas le bâti. Toutes ces démarches ont un coût… À noter également : le prix des toits n’est pas encadré, contrairement au prix du mètre carré habitable. Ils peuvent donc être cédés pour une somme symbolique comme vendus plusieurs dizaines de milliers d’euros. Une terrasse, ça fait forcément évoluer positivement la valeur d’un bien, mais il faut aussi garder en tête que ça n’a jamais le prix d’un mètre carré habitable…

Combien de temps faut-il compter entre les premières démarches et la livraison du projet ?

 

Le processus est long, car il dépend du bon vouloir de ces différents intervenants. Tous n’auront pas forcément le même point de vue… Un projet de ce type prend souvent plusieurs années. Mais il faut aussi savoir qu’à Paris les toits végétalisés ont le vent en poupe. On s’en rend clairement compte à la lecture du nouveau Plan local d’urbanisme, publié fin 2024. C’est une priorité qui peut influer favorablement lors de l’étude d’un dossier.

 

Quels sont les bénéfices de ces toits ?

 

À l’heure des canicules récurrentes, de la désimperméabilisation des sols et du dérèglement climatique, leur aménagement a pour but de rafraîchir la ville. Un toit végétalisé peut faire passer la température du zinc de 70 à 35 degrés Celsius. À l’échelle d’un bâtiment, c’est énorme !

 

Pourquoi est-ce si compliqué de faire construire une terrasse dans de l’ancien ?

 

D’abord à cause de la morphologie des toitures : dans chaque ville, les toits ont une hauteur maximale qu’on ne peut pas dépasser. Si c’est le cas — lors de la construction d’une terrasse posée sur un toit, par exemple — le projet sera rejeté. Il faut aussi savoir qu’on ne peut pas toucher à une toiture en zinc comme on le souhaite : à Paris, le travail des zingueurs fait désormais partie du patrimoine immatériel de l’Unesco. Il est donc protégé.

 

Quelle est alors la solution ?

 

L’une d’elles consiste à poser des toits plats en structures légères, en bois par exemple, sur les toitures en zinc. La pratique est devenue courante en Italie, notamment à Venise. Il s’agit de réinterpréter une pratique ancienne, celle des altanes [terrasses en bois soutenues par des piliers, N.D.L.R.] : on se contente alors d’utiliser des pilotis qui reposent sur la charpente ; la toiture n’est que ponctuellement altérée.

Peut-on faire construire un toit-terrasse si on n’habite pas directement en dessous ?

 

C’est tout à fait possible, en achetant le droit de construire en toiture à la copropriété. Par exemple, si l’on habite au premier étage d’un bâtiment qui en compte six.

 

Le Plan local d’urbanisme, dont vous parliez plus tôt, est-il le même pour l’ensemble d’une ville ?

 

Non, il peut changer de quartier en quartier. D’un trottoir à l’autre d’une même rue également, selon les spécificités architecturales ou historiques ! Certaines zones, comme Montmartre, sont très protégées. Il faut aussi savoir qu’un PLU peut évoluer très régulièrement.

 

Y a-t-il des bâtiments qui se prêtent mieux que d’autres à une terrasse ?

 

Ceux qui ont un toit plat ou une toiture très hétérogène avec de nombreux changements de pentes : dans ce cas, on choisira une portion de pente qu’on voit peu depuis la rue ou les parcelles environnantes. Ça donne des projets très intéressants. À l’inverse, si le toit est monopente et donne sur la rue, il y a peu de chance que le projet soit considéré comme recevable : il modifiera trop l’environnement visuellement.

 

Quel est le coût moyen d’une terrasse ?

 

Il est très variable : tout dépend de la structure qui va supporter la terrasse, s’il faut installer des renforts, modifier la structure porteuse, la charpente du bâtiment… Celui-ci doit pouvoir supporter le poids ajouté à la construction.

 

Les matériaux qu’on utilise pour la construction d’une terrasse sont-ils amenés à évoluer pour supporter des phénomènes météorologiques extrêmes, comme les orages de grêle qu’on a récemment connus ?

 

J’ai tendance à penser qu’on va continuer à construire des structures légères, notamment pour une contrainte de poids. Les matériaux actuels sont suffisamment robustes pour résister à ce genre d’intempéries.

 

Passage en revue des réalisations de terrasses qui nous ont inspirées : 


Vue imprenable sur Paris : un nid d’aigle montmartrois pensé et réalisé par Francesco Loconte pour KIDA Architecture.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

À Barcelone, grâce à son immense verrière à peine perceptible, une terrasse fait office de pièce supplémentaire pour un appartement de 60 mètres carrés . On aime le contraste subtil entre le sol en béton ciré et la pierre de façade de l’immeuble mitoyen.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Express ici.

Caillebotis et fauteuil typé suffisent parfois à offrir charme et caractère à un espace à ciel ouvert, à la lisière des toits…

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

Réussir sa terrasse, c’est aussi investir dans des matériaux inspirants… voire dépaysants : ici, le bardage en travertin d’Iran dialogue avec la verdure des lieux.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Express ici.

Pavés en pierre et écrans en bois peints vert-de-gris ramènent au cachet « so British » de ce cette maison de ville de Bristol.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

La végétalisation du Grand Paris, sujet sensible et d’actualité au cœur du tout dernier Plan local d’urbanisme de la capitale… En faire une oasis de fraîcheur : nécessité à l’heure du changement climatique.

La nature en ville, un thème que nous explorions déjà ici.

Paysagée et pavée de terre cuite : ode à la douceur italienne en plein Venise.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

Dedans-dehors : confusion des sens offerte par un sol en gravier…

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

Point d’orgue d’un mini-penthouse situé à quelques encablures de la tour Eiffel : une terrasse qui fait aussi office de cuisine d’été grâce à sa plancha. On la pose sur le meuble en bois qui sert de séparation avec l’appartement voisin.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

Combo organique : plancher en pin Douglas au sol et canisses pour cacher la rambarde de ces quelques mètres carrés d’exception.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.

Campagne à Paris : un repaire rendu bucolique grâce à sa végétation.

 

Une réalisation à découvrir en Visite Guidée ici.


Texte : Claire Stevens