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“Trouver son monde” : La galerie du 19M célèbre la transmission

Un dialogue entre maisons d’art et jeunes créateurs

Faut-il penser nos trajectoires, qu’elles soient personnelles ou collectives, comme des motifs que l’on dessine sous l’aiguille ? C’est l’une des pistes, parmi d’autres, que l’on explore pour trouver son monde – ou pour trouver nos mondes – dans cette nouvelle exposition collective très réussie.

 

Du 17 septembre au 14 décembre 2025, la galerie du 19M expose les fruits du dialogue de dix-sept jeunes créateurs de la scène parisienne avec les maisons résidentes du 19M. Aux côtés des brodeurs de Montex et de Lesage, de l’atelier Paloma, du plumassier Lemarié et du plisseur Lognon, les talents conviés dévoilent une collaboration protéiforme, riche non seulement en propositions, mais aussi en exécution.

Éterniser les gestes : Nina Jayasuria


En entrant dans la première salle, l’exposition révèle un premier fil rouge intitulé « Éterniser les gestes ». Le regard se pose très rapidement sur un portrait : celui du grand-père de Nina Jayasuria. Cette figure familiale, trônant sur un tableau électrique en grès émaillé, évoque les souvenirs de l’hôtel tenu par sa famille sur les côtes balnéaires sri-lankaises. Par ses mains, l’artiste modèle la matière et fige sa mémoire dans la céramique : le quotidien, éphémère, y est ainsi éternisé.

 

Nina Jayasuriya, Sans Titre (Icônes électriques), 2023

 

© le19M – Bastienne

À quelques pas, une œuvre s’élève en hauteur : de grandes étoffes suspendues, teintées d’orange, mettent en lumière la technique du batik, un savoir-faire traditionnellement employé pour colorer les habits des moines. L’installation textile est également couverte de slogans de développement personnel, habituellement visibles sur les véhicules sri-lankais.

 

Vue de No jealous One & Only colours de Nina Jayasuriya, 2025

 

© le19M x Bastienne

Enfin, des guirlandes upcyclées, minutieusement brodées à la main, viennent parfaire l’ensemble.
Ce tout évolue dans ce que l’artiste appelle « un espace temple », un lieu où le profane et le sacré peuvent se rencontrer.

 

Collaboration entre la Maison Paloma et l’artiste Nina Jayasuria, 2025

 

© le19M x Ismaël Bazri

Réciter les liens : Solène Gün


Dans le second espace d’exposition, « Réciter les liens », la tradition orale est mise à l’honneur. À travers un rideau, des voix se frayent un chemin jusqu’aux oreilles des visiteurs. Derrière, une salle de projection diffuse le projet vidéo de Solène Gün, “The Reflection of Sands”.

 

Vue de The Reflections of Sands de Solène Gün, 2022 – 2024

 

© le19M x Bastienne

Durant treize minutes, cette fable contemplative dépeint les destins croisés d’hommes vivant dans la province turque de Gaziantep, d’où est issue la famille de l’artiste.

D’un ton nostalgique, la vidéo explore la beauté innée des détails : souvenirs et contes d’enfants s’entremêlent sous les yeux émerveillés du spectateur.

En jouant avec les contrastes, les couleurs et les lumières, Solène Gün capture la mémoire, faisant ainsi dialoguer les communautés culturelles.

 

Vue de The Reflections of Sands de Solène Gün, 2022 – 2024

Arpenter les lieux : Eden Tinto Collins


Pénétrer dans cette nouvelle zone, c’est se confronter à un autre monde, où Eden Tinto Collins présente une héroïne sans tête. La protagoniste, Jane Dark, arbore une robe aux motifs et broderies médiévales, se dressant dos à un paysage imaginaire qui mêle mythologie et cyber-humanité.

 

Vue de Ordalie Tardive, la collaboration entre la Maison Lesage et l’artiste Eden Tinto Collins, 2025

 

© le19M – Bastienne

Élaborés avec la Maison Lesage, son costume et les décors ont une fonction bien particulière : permettre au personnage de voyager dans le temps et l’espace pour… réécrire l’Histoire. D’ailleurs, les contours d’un portail spatio-temporel se devinent aisément à l’arrière-plan.

Ce conte contemporain brouille les frontières entre légendes et réalités, et c’est ainsi que l’artiste trouve son chemin vers un monde nouveau, échappant aux logiques de domination.

 

Détail de Ordalie Tardive, la collaboration entre la Maison Lesage et l’artiste Eden Tinto Collins, 2025

 

© le19M – Bastienne

Chercher les siens : Maty Biayenda


Dans la dernière salle, une maison de poupée géante flotte fièrement : c’est l’œuvre de Maty Biayenda, réalisée en collaboration avec La Maison Lemarié (broderie) et l’Atelier Lognon (plissé). Imprimées de figures féminines, les mousselines qui composent chaque face de la maison sont plissées et brodées, tout en conservant leur transparence et leur légèreté. La fluidité des matières utilisées renvoie explicitement à celle des personnages.

 

Vue de Doll House, la collaboration entre la Maison Lemarié, les Ateliers Lognon et Maty Biayenda, 2025

 

© le19M x Bastienne

Maty Biayenda utilise les termes anglais « doll » et « house » pour faire référence à la culture voguing des ballrooms new-yorkais des années 1970, lieu initialement investi par la communauté queer latina et afro-américaine. Cette demeure aérienne matérialise les recherches de l’artiste sur l’objectivation, la libération des corps féminins noirs et la multiplicité des identités afro-descendantes. De ce fait, elle alimente sa réflexion sur la construction d’une identité transgenre au sein d’une « famille choisie ».

 

Vue d’exposition

 

© le19M x Bastienne

Au terme du parcours, une œuvre collaborative permet d’expérimenter les techniques de broderie dans le cadre d’un atelier participatif. Réalisé par Éléa-Jeanne Schmitter et l’Atelier Montex, ce projet incarne pleinement l’idée de transmission, fil conducteur de l’exposition.

 

Détail de What Remains, la collaboration entre l’Atelier Montex et Éléa-Jeanne Schmitte, 2025

 

© le19M x Bastienne

Notre avis :
 
Cette exposition collective offre une immersion séduisante dans l’univers des dix-sept artistes exposants, représentants d’une jeune garde talentueuse à suivre de près. Avec les artisans, ils ont réussi à réinventer les métiers d’art et à les révéler sous un jour incontestablement contemporain! Un rendez-vous à ne pas manquer.
 
Trouver son monde”, à la galerie du 19M, du 17 septembre au 14 décembre 2025 (2 place Skanderbeg, 75019 Paris).


Texte : Yamina Benahmed