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Comme un air d’Orient, 70 m² dans le Sentier à Paris

Une restructuration délicate dans un appartement ancien Il est 9h30 quand nous arrivons sur le lieu de notre reportage et le Sentier est déjà bien éveillé. Des livreurs passent et repassent sous des portes cochères en poussant des diables, quelques professionnelles papotent dans les recoins et des patrons de boutique commentent les allées et venues. Nous prenons une photo de la façade « C’est pour acheter ? » « Non, non, juste pour visiter ! » C’est l’architecte Agathe Marimbert qui nous ouvre la porte. Comme le chantier est tout juste terminé, les discrets propriétaires qui sont aussi des amis, lui ont confié le soin de nous faire la visite. En se disant, à raison, qu’elle était la mieux placée.

Nous sommes dans un vieil immeuble datant des années 1780 à fonction commerciale. Avec boutique au rez-de-chaussée et bureau à l’étage où nous nous trouvons. Cela a son importance pour la suite. Quand il emménage, le jeune couple dont c’est le premier achat, veut se laisser le temps avant de refaire l’appartement et de figer les espaces. Afin de comprendre qui fait quoi dans la vie quotidienne, et quels sont leurs vrais besoins. Ils se contentent d’un coup de peinture et de quelques meubles IKEA. Un an plus tard, ils font appel à Agathe qui connaît bien l’appartement pour y avoir déjà passé quelques soirées amicales. Ensemble, ils vont travailler autour d’un mot : le mot circulation. Circulation des hommes et circulation de la lumière. En effet, l’appartement d’origine est mal commode. Ancien bureau transformé en logement, on passe par une salle de bain pour accéder à une chambre. Le salon en commande une autre. Cuisine et salle de bain n’ont pas de lumière du jour. Agathe et ses amis réfléchissent à différents scénarios et autant de plans jusqu’à trouver le bon, celui que nous allons découvrir aujourd’hui.

Restait à définir une ambiance. Le couple a une envie d’Afrique du Nord. Une envie purement esthétique, sans lien avec une histoire personnelle. Agathe crée une partition cohérente de couleurs douces ou profondes et de matières naturelles qui constitue le parfait écrin pour les objets des propriétaires, majoritairement en bois et en terre cuite. Le résultat est harmonieux et nous propose une atmosphère très parisienne aux influences orientales. Qui nous invite à ouvrir les fenêtres et à laisser pénétrer la brise printanière de cette fin février.

L'architecte Agathe Marimbert nous décrypte l'appartement ! Par ici la visite en vidéo :



Elle continue ci-dessous en textes et en photos.

La vénérable cage d’escalier avec sa très belle rampe en fer forgé datant de la fin du XVIIIème siècle.

La porte franchie, nous voici dans l’entrée où nous profitons d’une perspective qui va jusqu’à la rue. C’est le résultat d’une des interventions clé d’Agathe Marimbert : la circulation de la lumière. Grâce à la création d’une double ouverture à travers les murs de l’ancienne salle de bains devenue la cuisine.

Nous avançons dans le couloir. Sur notre droite, à travers une belle ouverture sans porte, nous pénétrons dans la cuisine. On remarque le sol en briques de terre marocaines posées en chevron. Le plan de travail et la crédence on un aspect qui fait référence au tadelakt marocain. Au dessus de l’étagère, une étonnante fresque.

Nous regardons vers le fond de la cuisine. Une ouverture rectangulaire a été percée dans le haut du mur. Pour rapporter un surcroit de lumière depuis la salle de bains sur cour. On remarque les touches de laiton du robinet et des boutons de portes qui font allusion à la robinetterie traditionnelle marocaine en cuivre.

Nous voici face à l’ouverture créée dans le mur porteur qui apporte une lumière bienvenue dans la cuisine. Elle est entourée d’une fresque qui a été découverte lors du percement. Il s’agit d’un véritable morceau d’histoire de France. Une fresque révolutionnaire. Nous sommes ici dans l’ancien bureau d’une boutique située au rez-de-chaussée qui appartenait à la confrérie des Coffretiers. On sait que c’est le peuple des faubourgs, et notamment ses artisans, qui a largement participé aux journées révolutionnaires pilotées par le club des Jacobins pour déstabiliser l’Assemblée Législative et la monarchie.

À gauche, une femme du peuple, comme un écho lointain aux luttes émancipatrices actuelles, fesse une religieuse, symbole de la société d’ordres. À droite, la guillotine accomplit sa besogne sanglante. Que chacun soit prévenu ! Les parties manquantes de la fresque devraient être restaurées par des spécialistes, selon les désirs des propriétaires.

La vue vers le séjour.

Le salon, avec ses deux très belles portes fenêtres donnant sur le balcon filant. On apprécie l’ambiance presque campagne infusée par le buffet ancien, la table basse artisanale et quelques autres détails. Sur le canapé, les coussins en lin sont d’inspiration marocaine.

Entre les deux fenêtres, un superbe Ficus dans une jarre artisanale.

Focus sur la table basse avec son lierre en pot et sa bougie Cire Trudon.

La lumière du balcon nous appelle !

Entre deux oliviers en pot, le long du superbe garde-corps ancien en fer forgé, une charmante table de jardin et ses deux chaises. Au loin, l’imposante porte Saint-Denis qui donne son nom au quartier.

Nous rentrons dans le salon pour admirer la bibliothèque encastrée. Sa couleur vert amande apporte douceur et naturalité à la pièce.

Dans le détail : des bougies, des carafes, un terrarium et beaucoup de livres !

La cheminée a disparu mais reste le miroir, comme une évocation discrète de sa présence. Dans le prolongement de la première bibliothèque, de l’autre côté du conduit de cheminée, une deuxième bibliothèque. Pour une belle cohérence quand on regarde le mur de face. On remarque l’habile jeu de niches décoratives logées dans un ancien conduit.

Focus sur la niche occupée par deux pots qui accueillent plantes vertes ou bouquets. Dans l’un, des épis de blé, une tradition antique pour placer la maison sous le signe de la prospérité !

Le séjour dans son ensemble. La lumière, le choix des couleurs et du mobilier, le caractère ancien de l’appartement imprègnent la pièce d’une atmosphère de sérénité rassurante.

Les bibliothèques du salon, à cause de la belle hauteur sous plafond, nécessitent l’usage d’un véritable escabeau de bibliothèque. Celui-ci, ancien, s’accorde parfaitement à l’ambiance générale.

Demi-tour vers la cuisine semi-ouverte et la table de la salle à manger. On aime cette belle lucarne qui permet un accès direct et un éclairage naturel de la cuisine tout en préservant l’esprit général du mur et du séjour. À côté des deux gravures, on dirait juste un cadre en plus. Le jeu de chaises dépareillées donne beaucoup de vie à l’espace.

Nous découvrons le passage de la partie “jour” vers la partie “nuit”.

Sur notre gauche, une pièce donnant sur la rue qui fait office de petit-salon en attendant la naissance d’un futur enfant. Très profonde à l’origine, Agathe Marimbert a proposé de la raccourcir pour y loger une seconde salle de bain.

Juste à côté, la salle de bain, équipée d’une baignoire, ce qui sera pratique quand l’enfant sera né. Un carrelage doux et vernissé rappelle les zelliges marocains. Sobre, la salle de bain n’en est pas moins astucieuse avec son rebord qui permet d’y disposer un miroir vintage et quelques ustensiles.

Dans le couloir qui mène à la chambre parentale, Agathe Marimbert a aménagé une buanderie. Elle aime donner une double fonction aux circulations cachées en leur donnant un attribut “technique” qui manquait à la surface initiale. Comme ça, pas d’étendoir à linge dans le salon.

Mais comme il y a du passage, elle leur applique un traitement déco qui s’intègre très bien à l’ensemble.

Nous voici dans la chambre parentale avec son beau poêle prussien.

En nous retournant, nous apprécions mieux le travail qui a été fait sur le volume. La longue chambre a été raccourcie afin d’y loger un grand dressing et le couloir-buanderie qui permet de créer une zone tampon avec les pièces de vie.

L’incroyable vue sur la cour depuis la chambre. On se croirait dans une photo d’Eugène Atget, le photographe qui a magnifiquement immortalisé l’âme du vieux Paris. Le Sentier dans toute sa splendeur avec ses ateliers sous verrière.

Une ambiance simple et authentique règne dans la chambre. Notamment autour du lit avec son linge en lin. Et ses tabourets artisanaux en guise de chevets. La couleur gris perle du mur apporte une belle douceur à l’ensemble.

Le passage vers la salle de bains.

Focus sur le chevet et la jolie applique avec sa base en laiton qui s’accorde au style orientaliste de l’appartement.

Nous voici dans la salle de bains. On remarque une paroi vitrée dans le prolongement du miroir. Elle apporte de la lumière dans l’entrée. On retrouve l’enduit en béton ciré qui fait référence au tadelakt marocain.

Les parois de la douche ont été recouvertes de véritables zelliges marocaines posées en chevrons. Les propriétaires sont tombés amoureux de leur vert intense et on les comprend.

Focus sur les parois de verre qui font circuler la lumière depuis la cour à travers la salle de bain dans les parties sans fenêtres de l’appartement : l’entrée et la cuisine.

Et voici Agathe Marimbert, l’architecte qui a su combiner l’inspiration des habitants, le caractère ancien de l’appartement et une restructuration lourde pour un résultat d’une très belle cohérence.

Photographies : Agathe Tissier-Dumont http://agathetissier.com/
Texte : Jean Desportes

Réalisation : Agathe Marimbert