La vénérable cage d’escalier avec sa très belle rampe en fer forgé datant de la fin du XVIIIème siècle.
Une restructuration délicate dans un appartement ancien Il est 9h30 quand nous arrivons sur le lieu de notre reportage et le Sentier est déjà bien éveillé. Des livreurs passent et repassent sous des portes cochères en poussant des diables, quelques professionnelles papotent dans les recoins et des patrons de boutique commentent les allées et venues. Nous prenons une photo de la façade « C’est pour acheter ? » « Non, non, juste pour visiter ! » C’est l’architecte Agathe Marimbert qui nous ouvre la porte. Comme le chantier est tout juste terminé, les discrets propriétaires qui sont aussi des amis, lui ont confié le soin de nous faire la visite. En se disant, à raison, qu’elle était la mieux placée.
Nous sommes dans un vieil immeuble datant des années 1780 à fonction commerciale. Avec boutique au rez-de-chaussée et bureau à l’étage où nous nous trouvons. Cela a son importance pour la suite. Quand il emménage, le jeune couple dont c’est le premier achat, veut se laisser le temps avant de refaire l’appartement et de figer les espaces. Afin de comprendre qui fait quoi dans la vie quotidienne, et quels sont leurs vrais besoins. Ils se contentent d’un coup de peinture et de quelques meubles IKEA. Un an plus tard, ils font appel à Agathe qui connaît bien l’appartement pour y avoir déjà passé quelques soirées amicales. Ensemble, ils vont travailler autour d’un mot : le mot circulation. Circulation des hommes et circulation de la lumière. En effet, l’appartement d’origine est mal commode. Ancien bureau transformé en logement, on passe par une salle de bain pour accéder à une chambre. Le salon en commande une autre. Cuisine et salle de bain n’ont pas de lumière du jour. Agathe et ses amis réfléchissent à différents scénarios et autant de plans jusqu’à trouver le bon, celui que nous allons découvrir aujourd’hui.
Restait à définir une ambiance. Le couple a une envie d’Afrique du Nord. Une envie purement esthétique, sans lien avec une histoire personnelle. Agathe crée une partition cohérente de couleurs douces ou profondes et de matières naturelles qui constitue le parfait écrin pour les objets des propriétaires, majoritairement en bois et en terre cuite. Le résultat est harmonieux et nous propose une atmosphère très parisienne aux influences orientales. Qui nous invite à ouvrir les fenêtres et à laisser pénétrer la brise printanière de cette fin février.
L'architecte Agathe Marimbert nous décrypte l'appartement ! Par ici la visite en vidéo :
Elle continue ci-dessous en textes et en photos.
La porte franchie, nous voici dans l’entrée où nous profitons d’une perspective qui va jusqu’à la rue. C’est le résultat d’une des interventions clé d’Agathe Marimbert : la circulation de la lumière. Grâce à la création d’une double ouverture à travers les murs de l’ancienne salle de bains devenue la cuisine.
Nous avançons dans le couloir. Sur notre droite, à travers une belle ouverture sans porte, nous pénétrons dans la cuisine. On remarque le sol en briques de terre marocaines posées en chevron. Le plan de travail et la crédence on un aspect qui fait référence au tadelakt marocain. Au dessus de l’étagère, une étonnante fresque.
Nous regardons vers le fond de la cuisine. Une ouverture rectangulaire a été percée dans le haut du mur. Pour rapporter un surcroit de lumière depuis la salle de bains sur cour. On remarque les touches de laiton du robinet et des boutons de portes qui font allusion à la robinetterie traditionnelle marocaine en cuivre.
Nous voici face à l’ouverture créée dans le mur porteur qui apporte une lumière bienvenue dans la cuisine. Elle est entourée d’une fresque qui a été découverte lors du percement. Il s’agit d’un véritable morceau d’histoire de France. Une fresque révolutionnaire. Nous sommes ici dans l’ancien bureau d’une boutique située au rez-de-chaussée qui appartenait à la confrérie des Coffretiers. On sait que c’est le peuple des faubourgs, et notamment ses artisans, qui a largement participé aux journées révolutionnaires pilotées par le club des Jacobins pour déstabiliser l’Assemblée Législative et la monarchie.
La cheminée a disparu mais reste le miroir, comme une évocation discrète de sa présence. Dans le prolongement de la première bibliothèque, de l’autre côté du conduit de cheminée, une deuxième bibliothèque. Pour une belle cohérence quand on regarde le mur de face. On remarque l’habile jeu de niches décoratives logées dans un ancien conduit.
Demi-tour vers la cuisine semi-ouverte et la table de la salle à manger. On aime cette belle lucarne qui permet un accès direct et un éclairage naturel de la cuisine tout en préservant l’esprit général du mur et du séjour. À côté des deux gravures, on dirait juste un cadre en plus. Le jeu de chaises dépareillées donne beaucoup de vie à l’espace.
Juste à côté, la salle de bain, équipée d’une baignoire, ce qui sera pratique quand l’enfant sera né. Un carrelage doux et vernissé rappelle les zelliges marocains. Sobre, la salle de bain n’en est pas moins astucieuse avec son rebord qui permet d’y disposer un miroir vintage et quelques ustensiles.
Photographies : Agathe Tissier-Dumont http://agathetissier.com/
Texte : Jean Desportes
Réalisation : Agathe Marimbert