« J’aime les lieux versatiles, au caractère affirmé, mais dont il n’est pas nécessaire de déplacer systématiquement le mobilier selon les fonctionnalités recherchées — a fortiori dans un espace réduit. » Tables sur roulettes et canapés qu’on déplie : très peu pour Benjamin Godiniaux. Plus que la modularité, l’architecte prône la dualité : des espaces, des meubles – des textures, même ! – capables de se faire transformistes au fil des heures ou des nécessités…
Un fil rouge que l’on retrouve dans la rénovation complète de ce deux-pièces en proche banlieue, menée par le studio qui porte son nom, pour le compte d’un jeune couple travaillant dans la mode. « Nous avons tout pris en main avec ma collaboratrice Lorena Torres : restructuration, isolation, réaménagement mais aussi décoration et création des éléments sur mesure », souligne Benjamin.
Une porte de salle de bains se confond ainsi avec celles des placards ; un bureau fait office de garde-fou sur une mezzanine ; un parquet courant jusque dans la pièce d’eau étire la perspective, auparavant limitée, de la chambre attenante… Surtout, un plafond abaissé de quelques dizaines de centimètres permet de créer un deuxième niveau dans les anciens combles : « 11 mètres carrés de plus, dont 7 en loi Carrez, ça n’est pas négligeable à une époque et dans une ville où chaque mètre carré a un prix, précise l’architecte ! De cette contrainte est né le plan de l’appartement. »
Côté sud, l’espace de vie avec son double séjour cathédrale donne ainsi accès à un deuxième niveau doté d’un bureau, d’une chaise longue design et d’un ballon d’eau chaude savamment camouflé. À l’opposé, prennent place la salle de bains, les toilettes et une chambre aux allures de nid. Entre les deux ? Un espace hybride : mi-dégagement, mi-cuisine ouverte… mais surtout territoire de tous les fantasmes, grâce à sa belle teinte sombre et changeante selon la lumière.
« Le contraste entre cette partie plus obscure, les reflets dans la crédence, et le “coup d’éclat” d’un salon très clair permettait de multiplier les perceptions, explique Benjamin. Ce qu’une simple peinture blanche n’aurait jamais permis. Il a fallu convaincre les clients : cela faisait aussi partie de mon rôle que de les pousser hors de leur zone de confort. Cette pièce devait être suffisamment belle pour qu’on accepte sa présence lorsqu’on la traverse. Suffisamment discrète, aussi, pour ne pas se faire remarquer à chaque instant. » Tour de passe-passe encore renforcé par le détail de poignées, la texture d’un béton ciré, l’élégance d’un plan de travail ou la présence de pièces iconiques. L’œil est irrémédiablement attiré par le plus petit détail au fil de la visite. L’ensemble mérite sans conteste le titre de cocon urbain.


