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Retour sur notre expérience du Salone del Mobile 2025

Le Off du Salone 2025 : 24 heures au cœur de Milan, entre design, installations et découvertes

Milan, avril 2025. Pendant que le Salone bat son plein à Rho, la banlieue qui accueille le gigantesque parc des exposition FieraMilano, la ville vibre elle aussi d’un autre tempo. Un design plus intime, plus libre, parfois expérimental, se déploie à chaque coin de rue. Alors entre deux incursions dans les allées du Salone, on a pris le temps d’explorer l’autre Milan : celui des showrooms confidentiels, des mises en scène sensibles, des appartements transformés en refuges, des installations planquées dans des jardins, des hangars ou des palazzos. Pendant 24 heures, on a arpenté la ville le nez en l’air, les yeux grands ouverts. Brera, Porta Venezia, Varedo, Tortona… On a suivi les sons, les lumières, les matières. Et comme chaque année, on a été surpris, ému, un peu fatigué aussi, mais surtout nourri. Voici ce qu’on retient de cette escapade dans le grand théâtre du Fuorisalone.

USM

 

On démarre notre parcours chez Spotti, où l’installation USM nous plonge tout de suite dans une ambiance douce et modulaire. USM fête les 60 ans de son célèbre système Haller, et pour l’occasion, la marque suisse dévoile un nouvel add-on textile : le Soft Panel. Ce petit élément se clipse simplement, et transforme en un clin d’œil l’ambiance du mobilier. Les panneaux sont doux au toucher, colorés, et surtout modulables, une vraie réussite à la fois esthétique et acoustique.

 

@usmmodularfurniture

L’installation, intitulée Connected by Our Dreams, a été pensée avec JOBA et le designer Marc Venot. On entre dans une pièce où la lumière joue avec les textures, le mobilier se mêle à des compositions florales, créant une atmosphère presque onirique. Ce n’est plus seulement un showroom, c’est un espace de sensations, où l’on rêve un peu, sans s’en rendre compte.

AESOP : Immersion dans le cloître de la Chiesa del Carmine

 

Depuis Spotti, on traverse Milan jusqu’à Brera, où le rythme ralentit un peu. Les pavés résonnent sous les pas, les façades s’illuminent sous la lumière d’avril, et sur la piazza del Carmine, l’église se dresse, majestueuse.

 

Aesop investit les arcades du cloître attenant pour un cocktail avec une installation aussi sensorielle qu’élégante dans la sacristie. Les murs sont habillés de panneaux irisés, subtilement parfumés à l’Éleos. Le regard accroche les reflets, l’odeur flotte, presque imperceptible. L’espace prend son temps, et nous avec. Entre pierre ancienne et minimalisme contemporain, le lieu invite à une forme de calme rare, presque méditatif. Une vraie respiration aromatique au cœur de Brera.

 

@aesop

MUJI x 5.5: Revenir à l’essentiel

 

En plein cœur du quartier de Brera, on s’offre une vraie pause. MUJI présente sa Manifesto House, une cabane minimaliste imaginée avec le studio 5.5. C’est une micro-architecture inspirée du mode de vie japonais, pensée pour ralentir, respirer, et revenir à l’essentiel. Loin des objets superflus, tout ici est pensé pour répondre à des besoins réels, avec une économie de moyens.

 

Autour de la cabane, une collection d’objets « ready-made » attire notre attention. Tous sont fabriqués à partir de produits MUJI existants: un nichoir réalisé à partir d’un serre-livre et d’un tiroir, par exemple. Le geste est simple, mais porteur de sens. C’est une proposition joyeusement minimaliste, qui interroge notre rapport aux objets, à la consommation, et à l’usage. Un design qui parle doucement, mais qui dit beaucoup.

 

@muji_global

Grand Seiko x Tokujin Yoshioka – Le temps figé

 

À quelques pas de là, l’ambiance bascule. Avec Frozen, Tokujin Yoshioka signe pour Grand Seiko une installation hypnotique : une sculpture de lumière et de glace cristalline en constante métamorphose figurant l’écoulement du temps à mesure que l’eau ruisselle. Le jeu de reflets, les variations de clarté, tout évoque le mouvement… presque immobile.

Trônant dans le cloître, les Aqua Chairs, pures et irréelles, diffusent cette sensation de fluidité gelée. L’installation entre en résonance avec les montres Spring Drive, dont la trotteuse glisse sans à-coup, dans un silence absolu. Ici, le design se fait poétique, presque métaphysique. On s’arrête, on regarde, on se tait. Une vraie parenthèse contemplative.

 

@grandseikoofficial

Après quelques showrooms et expositions, on s’accorde une pause bien méritée autour d’un déjeuner délicieux. La cuisine italienne ? Toujours un sans faute. Un moment simple, chaleureux, où on refait le monde du design entre deux bouchées. N’hésitez pas à nous demander nos adresses !

Tacchini: Un premier showroom à Milan

 

À deux pas du tumulte de Brera, Tacchini dévoile son tout premier showroom dans un appartement début XXe au charme intact. Loin des vitrines classiques, on entre ici dans un intérieur préservé : parquets patinés, voûtes en briques, lumière naturelle… chaque pièce raconte une manière d’habiter.

La mise en scène pensée par Charlotte de La Grandière privilégie la douceur et l’harmonie. Les teintes sourdes, les matières moelleuses, les pièces choisies avec soin : tout semble pensé pour dialoguer avec le lieu sans jamais le bousculer. On se sent bien, presque chez soi. Ce showroom tient plus du refuge que de l’espace de vente, un lieu à taille humaine, chaleureux, où l’on rentre intimement en contact avec les objets présentés.

 

@tacchini_italia

Loewe : Le thé comme art vivant

 

Direction le Palazzo Citterio, joyau du XVIIIe siècle niché en plein cœur de Milan. C’est ici que Loewe a choisi d’installer son exposition. Et cette année, la maison espagnole mise sur l’inattendu : des théières. Mais pas n’importe lesquelles. Vingt-cinq artistes, designers et architectes ont été invités à revisiter cet objet du quotidien, en explorant toutes ses possibilités formelles et matérielles.

Le résultat est un parcours à mi-chemin entre sculpture et design utilitaire. Porcelaine, grès, textures rugueuses ou brillantes, émaillées ou mates : chaque pièce interroge notre rapport à l’usage, à la beauté, au rituel. Autour de ces théières, une série d’objets prolonge l’expérience : boîtes à thé, charms, bougies… dont une, logée dans une céramique fine, diffuse un parfum subtil d’Earl Grey et de bergamote. On ralentit le pas. On observe. On savoure. C’est aussi ça, le off du Salone : prendre le temps d’être surpris.

 

@loewe

Hermès: L’art de la lévitation

 

À La Pelota, adresse mythique du design milanais, Hermès prend le contre-pied du spectaculaire. Pas de mise en scène tonitruante ici, mais une sobriété envoûtante, presque en apesanteur. Dans un espace quasi nu, baigné de halos colorés, des volumes flottent en apesanteur. Chaque objet semble comme isolé dans sa propre bulle, baigné de silence et de lumière.

Le verre est au centre de l’installation : travaillé en transparence, en finesse, il joue avec la lumière pour révéler ce qui, habituellement, reste invisible. Au cœur de la pièce, la table Pivot de Tomás Alonso attire le regard avec ses lignes franches et ses teintes subtiles, presque graphiques. Autour, les porcelaines délicatement aquarellées de Nigel Peake et les textiles somptueux déroulent une narration sensible, toute en gestes rares et savoir-faire précieux. Tout est suspendu, rien n’est figé. Une scénographie précise, épurée, mais profondément vivante.

 

@hermes

Dimore Studio : dans les coulisses du studio

 

Dimore, c’est ce duo culte formé par Britt Moran et Emiliano Salci. Un studio milanais à part, qui cultive une esthétique entre cinéma italien, souvenirs enfouis et contrastes assumés. Cette année, ils investissent plusieurs lieux dans la ville. On s’est arrêtés à la Fondazione Sozzani pour découvrir Work It, une expo pensée comme un clin d’œil à leur propre processus créatif.

L’espace, réorganisé comme un bureau en action, donne l’impression de surprendre le studio en plein travail. Une grande table, encombrée de carnets ouverts, d’échantillons de matières et de tasses de café laissées là comme si une session de travail venait d’être interrompue, donne l’impression d’un moment suspendu. Sur les murs, une accumulation de photographies, croquis et textures se mêlent pour former un gigantesque moodboard, véritable reflet de l’univers du studio. Le passé affleure, le présent s’invente. Une manière pour Dimore de brouiller les pistes entre fiction et réalité, tout en restant fidèle à leur univers singulier, élégant, mélancolique, toujours un peu mystérieux.

 

@dimorestudio

Après Dimore Studio, on prend un moment pour respirer. On traverse Milan et on s’arrête devant la Torre Velasca, cette tour qui semble tout droit sortie d’un autre temps, avec son style brutaliste bien à elle inspiré de la Citadelle des Sforza.

Puis, on file s’installer en terrasse, café et cornetto en main, pour profiter d’une petite pause avant de reprendre notre exploration des showrooms milanais.

Saint Laurent x Charlotte Perriand – Réédition de mobilier d’archive

 

On quitte Brera pour rejoindre le quartier du Tortona District. Là, dans le Padiglione Visconti, Saint Laurent dévoile une collaboration rare avec la grande Charlotte Perriand. Quatre pièces de mobilier, conçues entre 1943 et 1967, sont rééditées pour la première fois à l’échelle réelle. À l’origine, ces créations n’existaient que sous forme de maquettes ou de croquis. Aujourd’hui, elles prennent enfin corps.

Canapé diplomatique, fauteuil en bois courbé, bibliothèque modulable… Chaque pièce incarne une esthétique radicale, essentielle, fidèle à l’esprit de la designer. La scénographie imaginée par Anthony Vaccarello est sobre, précise, presque monacale. On aime les grandes cloisons suspendues en pisé de bois tropical. On déambule entre ces objets comme on feuillette une archive précieuse, à la croisée de la mode et du design.

 

@ysl

Dans la ville, les kiosques sont partout. Et surprise ! Une élégante milanaise achète son “Sloft”. “Buongiorno, ce l’hai l’ultimo Sloft perfavore ?”

Capsule Plaza – 70Materia : la cuisine, matière vivante

 

Au Spazio Maiocchi, Capsule Plaza est l’un des hubs les plus effervescents du off. On y retrouve 70Materia, jeune studio qui transforme la cuisine en un véritable terrain d’exploration formelle. Blocs monolithiques, modules aimantés, finitions minérales… Ici, tout est pensé pour bousculer les codes de l’aménagement domestique.

Mention spéciale pour Orbita, leur projet collaboratif avec trois autres studios de design. Ensemble, ils présentent une série de pièces sculpturales, libres, inventives, qui montrent à quel point la matière peut s’exprimer quand on la laisse respirer. On touche, on observe, on s’étonne. Stimulant !

 

@capsule.global

Humanrace x USM – Le soin comme espace

 

Toujours à Capsule Plaza, on découvre un espace à l’allure de laboratoire apaisé. Ici, Humanrace, la marque bien-être fondée par Pharrell Williams, collabore avec USM Modular Furniture pour repenser la salle de bain. Loin des codes habituels, l’installation propose une nouvelle façon d’imaginer cet espace du soin quotidien.
Dans une scénographie immersive, les structures modulaires de USM dessinent un environnement fluide, aux lignes ouvertes et aux teintes vert mousse. On circule librement entre mobilier et produits skincare all-gender. Tout ici invite à la reconnexion : avec son corps, son rythme, son espace. C’est calme, c’est beau, c’est juste.

 

@usmmodularfurniture

@humanrace

On quitte Milan en fin d’après-midi, les yeux encore pleins de formes et de couleurs. Dans la voiture, la ville s’efface peu à peu, remplacée par des zones plus sauvages, presque oubliées. Cap sur Varedo.

Focus espace ‘Alcova’

 

Là-bas, Alcova étend son terrain de jeu. Entre villas historiques et bâtiments en friche, le lieu mêle décadence et poésie. Cette année, l’événement investit quatre sites : les villas Bagatti Valsecchi et Borsani, mais aussi deux nouveaux venus, l’ancienne usine SNIA et les serres abandonnées de Pasino. Un décor hors du temps pour des installations qui ne ressemblent à rien d’autre.

On se perd avec plaisir dans ces espaces en friche, où la nature reprend peu à peu ses droits. Verrières envahies par la lumière, béton patiné, végétation libre, le design s’expose ici autrement. Les matériaux sont bruts, les expérimentations techniques audacieuses. On croise des pièces inclassables, des installations inachevées, des gestes libres. Ce n’est plus un showroom, c’est un territoire. Un lieu d’exploration. Une fin de parcours contemplative, qui rappelle que le design peut être, aussi, une promesse de futur.

 

@alcova.milano


Texte : Robin Bullot