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Une rencontre avec Germain Louvet

Le design existe quand on le met en mouvement

Cet Entretien est issu de Sloft Édition 05

Un jour, un exemplaire de Sloft Édition doit être livré au Palais Garnier. Ça n’arrive pas tous les quatre matins. À l’attention de Germain Louvet. Un danseur ayant le goût de l’architecture ? Ça nous a donné envie d’en savoir plus. Il y a des gens compliqués et des gens simples. Certains qui se bardent d’agents et d’autres qui répondent directement aux messages. C’est son cas. On trouve ça agréable, humain. Ça n’enlève rien à leur prestige.

En me dirigeant vers le domicile de Germain Louvet d’un pas raide, je perçois le paradoxe de la situation. Moi qui n’ai jamais rien réussi à obtenir d’un tant soit peu gracieux de ma carcasse (je garde en mémoire mes rondades avortées en cours de gym), je m’apprête à converser avec un danseur étoile. Autant dire, un autre monde. Il m’a indiqué qu’il habitait tout en haut d’un immeuble bordant le bassin de la Villette. Je me dis que c’est logique pour un danseur d’être attiré par l’éther, de chercher un état de lévitation au-dessus de la ville comme au-dessus du parterre à l’Opéra. Je me perds en conjectures avant de buter contre les portes de l’ascenseur. Le hall d’entrée disparaît sous moi à la vitesse grand V et me voici à bord de sa montgolfière, tel qu’il désigne l’appartement qu’il partage avec son compagnon Pablo, flamboyant rédacteur en chef de la revue Regards. On voulait lui demander ce qui fait un style, je le vois s’amuser pour le shooting photo avec une fantaisie spontanée doublée d’une parfaite maîtrise technique et je me dis qu’on a compris. Il faudra trouver d’autres questions… La beauté, la grâce et aussi l’intelligence sont inégalement distribuées. Comme la nature semble avoir été généreuse avec Germain Louvet, qu’il est de gauche et ne s’en cache pas, il partage volontiers. C’est sa façon de rendre, de contribuer à la cohésion générale, car il sait bien qu’il ne peut pas tout changer tout seul. D’ailleurs il ne s’interdit pas de vivre, car, s’il n’y a pas un peu de légèreté et de jubilation dans la vie, à quoi bon être danseur ? L’interview se veut sérieuse, mais il y a un biais. La sympathie qu’on aura toujours pour les grands enfants restés au pays du merveilleux, qui, pour notre indispensable enchantement, sont convaincus que la beauté est la plus sûre consolation de l’existence, avec l’amour.

Germain Louvet, danseur étoile.

Tu as commencé la danse très tôt, puisqu’à l’âge de 7 ans tu intégrais les classes de danse du conservatoire à rayonnement régional de Chalon-sur-Saône. La danse classique fait encore partie d’une certaine éducation bourgeoise. Tes parents avaient-ils décidé de policer tes manières en t’y inscrivant ?

 

Euh, pas vraiment, parce que j’ai commencé la danse avant le conservatoire, à 4 ans, dans la toute petite école modern jazz de mon village, où le rapport à la danse était surtout de type garderie, éveil, initiation à bouger son corps, à écouter de la musique. Il n’y avait pas encore ce côté danse classique, chignon, petite tunique parfaite, etc. Donc ce n’était pas trop le cas, d’autant que je viens d’une famille qui ne reproduit pas du tout les codes bourgeois, parce que je ne viens pas d’une famille bourgeoise à la base. Et donc c’était vraiment un peu out of the blue. Quand j’ai demandé à faire de la danse, mes parents étaient juste contents que je fasse une activité qui me plaise, ils se sont détachés de tout a priori et ont accepté que je le fasse sans problème.

 

Il faut croire que ça t’a plu…

 

Oui, et ça m’a emmené assez naturellement à la danse classique. De ce club de danse de village, je suis allé au conservatoire, et là, j’ai appris la technique de la danse classique. Mais je n’ai même pas fait exprès. C’est arrivé parce que ma prof du petit club de danse m’a dit : « Si tu veux approfondir, tu devrais aller au conservatoire. » Et du coup, là-bas, j’ai appris la danse classique qui est devenue comme un langage pour moi. C’est pour ça que dans ma tête ça n’était pas du tout lié à quelque chose de social. C’est a posteriori que j’ai découvert que cette dimension existait.

 

Quand tu sais que la danse classique fait encore partie d’une activité censée rendre les jeunes filles gracieuses, est-ce que ça ne joue pas du tort à cette discipline en la figeant dans une vision très corsetée ?

 

Je pense que c’est très compliqué à déconstruire parce que c’est quelque chose qui s’est autonourri. En fait, je renverse plutôt le problème, je préfère m’intéresser aux gens qui considèrent que la danse classique n’est pas faite pour eux, parce qu’ils ne viennent pas d’un milieu dans lequel on leur a donné les codes ou l’éducation pour comprendre la danse. Et de ce fait, je considère qu’il y a un problème parce qu’on ne peut pas réduire un loisir et encore moins une pratique artistique à une manière de voir la société.

Cela m’évoque certaines amies, passées par les cours de danse quand elles étaient petites et qui inscrivent à leur tour leurs filles. Aujourd’hui, quand elles vont à l’Opéra, elles attendent des spectacles qu’ils leur servent cet imaginaire construit dans leur enfance…

 

C’est à double détente. Parce qu’il y a pratiquer la danse et aller voir des spectacles. La pratique est très influencée par les spectacles et le public qui va voir ces spectacles. L’Opéra, que ce soit l’opéra lyrique ou le ballet, c’est un lieu de la bourgeoisie et de l’élite aristocratique qui a eu un essor énorme notamment sous le Second Empire ; le Palais Garnier date de cette période-là. Mais l’histoire est encore plus ancienne, elle est liée à la monarchie. Donc, même s’il existe des opéras qui touchaient aussi les milieux populaires, il y a un ordre bourgeois qui dicte les règles de ce qui se passe dans un opéra. Et par conséquent, le public est issu de cette histoire-là et a forgé les esthétiques qui nous caractérisent nous en tant qu’interprètes, tant pour les modes de sélection que pour la manière dont nous allons proposer une histoire ou une interprétation. Et donc la danse classique qui est issue de la danse baroque, elle-même quasiment inventée par Louis XIV en France, a cette histoire très aristocratique d’être proposée par des personnes qui maîtrisent l’art d’être noble.

 

Nous sommes dans une période où une maison comme l’Opéra de Paris est à la fois chahutée pour son coût, pour son élitisme et pour un public qui a du mal à se renouveler, à part peut-être chez certains jeunes, plutôt bourgeois, qui y ont été sensibilisés tôt.

 

Et qui même, parfois, ne vont pas à l’Opéra – j’entends la
« maison » Opéra – mus par le désir ou la passion mais plutôt poussés par certaines conventions. Ça peut presque devenir un club. Évidemment, ça a quand même beaucoup changé ces cinquante dernières années. Ça a tendance à vouloir évoluer et c’est le cas. Il m’arrive d’aller dans la salle pour voir d’autres spectacles et je constate une évolution, liée sans doute aux initiatives pour ouvrir l’Opéra à de nouveaux publics : les avant-premières jeunes, les programmes pour les scolaires, le programme social « Ma première fois à l’Opéra », qui permet à des personnes qui ne sont jamais venues à l’Opéra de le découvrir. Il y a aussi une interface en ligne qui offre la possibilité de regarder des spectacles depuis son ordinateur. Cela reste un enjeu important pour la maison.

Est-ce que cette remise en question n’est pas un faux problème, puisqu’au fond c’est un divertissement voulu et soutenu par les élites souvent bourgeoises et parfois conservatrices qui entendent qu’on leur serve un spectacle tel qu’elles l’aiment ? On a en tête les polémiques à chaque acte de modernisation, par exemple quand Benjamin Millepied avait renommé la « Danse des négrillons » dans La Bayadère « Danse des enfants » et avait voulu mettre sur scène des artistes noirs ou métis plutôt que d’avoir recours à la pratique du blackface (c’est-à-dire grimer le visage en noir).

 

Étonnamment, ce sont des polémiques qui sont assez récentes. Ce qu’a fait Benjamin Millepied par rapport à l’exemple que tu as cité, à mon sens, ce n’est pas moderniser. C’est davantage faire évoluer des œuvres dans le sens des valeurs que l’Opéra a envie de porter. En effet, ça participe à l’accessibilité des œuvres, mais je crois qu’il s’agissait avant tout de quelque chose de vital plutôt que de quelque chose d’un peu cosmétique qui tendrait juste à « faire plus moderne ou démocratique ». À côté de ça, il y a toujours des gens conservateurs qui diront « Mais pourquoi faire évoluer les choses ? » On les entend d’autant plus depuis que ces polémiques existent. Je pense que, en ce qui concerne le ballet, c’est l’épouvantail de la cancel culture qui a stimulé certaines forces conservatrices qui tendraient à figer quelque chose qui est impossible à figer puisque c’est la danse, le mouvement. C’est éphémère, c’est vivant, ça dépend des interprètes qui dansent à l’instant T et qui ne seront pas les mêmes dans vingt ans. Et c’est d’ailleurs très intéressant parce que la tradition du ballet, c’est une tradition de transmission orale, d’évolution perpétuelle. Au contraire de ce qu’on pourrait penser, on ne fait rien comme ce qui a été créé. Je parle notamment des ballets qui sont au cœur de ces sujets de cancel culture, Le Lac des cygnes, La Bayadère, Casse-Noisette, etc. qui ont été créés à la fin du XIXe siècle. On n’a pas de vraies traces tangibles de ce qu’ils étaient à leur création. Ce qu’on produit aujourd’hui du Lac des cygnes, c’est un empilement de relectures qui aboutit à ce qu’on fait aujourd’hui. Donc l’argument de dire « On veut voir Le Lac des cygnes comme il a toujours été » est impossible à satisfaire. On ne sait pas danser Le Lac des cygnes aujourd’hui comme on le faisait il y a cent cinquante ans. On a gardé la même structure du ballet, et encore, il y a eu des ajouts dans le temps et ces ajouts, on a oublié que c’étaient des ajouts. Et il y a plein de choses comme ça. À titre d’exemple, quand Rudolf Noureev a pris la direction du ballet de l’Opéra, il a voulu faire son propre Lac des cygnes. À l’époque, on donnait une version qui était celle d’un chorégraphe qui s’appelait Vladimir Bourmeister. Et en 1986, quand Noureev a proposé de faire une création, un nouveau Lac des cygnes, ça a fait un tollé dans le ballet et il y a eu des grèves des danseurs qui ne voulaient pas changer de version. Donc Noureev a dû ménager tout le monde, et dans la même saison, il a programmé Le Lac des cygnes de Bourmeister et créé son propre Lac des cygnes. Aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard, plus personne ne se souvient de ce qu’était Le Lac des cygnes de Bourmeister. Le seul Lac des cygnes qui existe à Paris à l’Opéra, c’est celui de Noureev.

Donc ça fait trente-cinq ans et on a à nouveau figé quelque chose qui susciterait un tollé si on y touchait…

 

Il y a à la fois ce que j’ai dit sur la relecture des ballets classiques, et il y a aussi le fait que tous les soirs on va faire quelque chose de différent. Moi je ne fais jamais exactement la même chose sur scène. Il y a des accidents qui ne se voient pas forcément et qui peuvent aboutir à des choses très jolies. Rien n’est donc jamais figé. C’est pour cela que l’outil vidéo – qui a énormément révolutionné le ballet, puisqu’il nous permet de nous appuyer sur des choses tangibles aidant à la transmission – ça reste très piégeux parce qu’une vidéo, c’est une version en 2D d’un moment. Donc, si un soir, j’ai un mini trou de mémoire, que je fais quelque chose de différent, que c’est capté en vidéo et que, dans dix ans, il y a un mec qui veut apprendre Le Lac des cygnes, il va penser que c’est la version originale et que le chorégraphe m’a demandé ça, alors que moi, à ce moment-là, j’ai juste pensé à ma grand-mère… Et les personnes d’extrême droite qui faisaient des tweets sur Le Lac des cygnes relatifs à la modification de certaines parties pouvant être stigmatisantes, c’est génial parce que ces personnes n’avaient aucune idée du fait que ce ballet a trente ans, qu’il a été repris par Noureev qui est russe et pas du tout franco-français…

 

As-tu parfois le sentiment d’être un « élément » sélectionné, raffiné pour correspondre aux canons et normes (tour de taille, longueur des bras, épaules…) d’un spectacle très codifié, et qu’en fait c’est parce que physiquement tu corresponds à ces critères-là que tu en fais partie, autrement dit, as-tu parfois le sentiment d’être un « ingrédient » ?

 

Oui, complètement. Surtout à partir du moment où j’ai été nommé danseur étoile, j’ai eu l’occasion de m’interroger sur la façon dont j’en suis arrivé là, de regarder mon parcours en questionnant sa rapidité. Et sans nier que, enfin je l’espère, j’ai du talent, que j’ai travaillé dur pour y arriver, il y a des choses qui m’ont effectivement policé, qui m’ont sculpté pour correspondre à ces critères, à ces codes et à ce public-là. En revanche, ce ne sont pas du tout des choses que je trouve réductrices pour moi, je souhaite bien sûr qu’elles puissent évoluer, produire d’autres esthétiques, inclure plus de diversité dans ces critères-là. Mais ça m’a donné la possibilité d’être libre de m’exprimer, de pouvoir en parler, de pouvoir questionner ces mêmes mécanismes qui m’ont fait arriver là. Il y a quand même un discours assez constant de la part des artistes qui réussissent qui consiste à dire « On a un bourgeon qui éclot ou pas en chacun de nous, il faut toujours suivre ses rêves », etc. Pour moi, c’est un discours assez dangereux, c’est donner l’impression que tout est possible, comme ces magazines qui ne proposent que des maisons ou appartements inaccessibles, ça devient simplement chimérique, c’est ne jamais remettre en question le système dans lequel on évolue et à la fin ça fait du mal. Je ne dis pas qu’il faut dire aux gens « Ne rêvez surtout pas de ça parce que c’est impossible », mais je crois qu’il est important d’arriver à se poser la question de ce qu’on a envie de mettre en avant, comment, etc. Moi je sais que je corresponds à ces critères-là, mais, en revanche, je profite de ma place pour en parler en espérant faire évoluer ces choses.

Est-ce que le corps d’un danseur n’est pas un objet de design, raffiné par une institution, l’Opéra, qui serait le designer ?

 

Non, je n’irais pas jusque-là parce que les plus grands artistes du ballet que je connais de ces cinquante dernières années, au contraire, ce sont des gens qui ne correspondaient pas forcément aux critères, au modèle de base. Mikhaïl Barychnikov, Noureev lui-même, qui était assez petit, court sur pattes et assez trapu, Marie-Agnès Gillot qui est une danseuse immense, Agnès Letestu, très grande également, j’ai plein d’exemples de très grandes danseuses et danseurs qui m’ont beaucoup inspiré et qui ont fait de leurs différences, de ce qui aurait pu être apparenté à des défauts, des qualités très importantes. Par ailleurs, je ne dirai jamais du corps de qui que ce soit que c’est un objet, même de design. Je comprends la question de la part d’un magazine qui porte sur les esthétiques des choses non vivantes, mais je pense que le corps n’est que le résultat de la volonté, de la passion de la personne qui l’habite. D’ailleurs, notre corps prend de l’intérêt quand il bouge. Donc le design existe à partir du moment où on le met en mouvement.

 

La danseuse, le danseur est son propre designer ?

 

Oui, le danseur est son propre designer. Pour parler de façon très pragmatique, c’est à nous de décider si on veut se muscler, ne pas se muscler, avoir les cheveux longs, courts… chaque danseur façonne son style, une personnalité, et donc renvoie sa propre esthétique au public, même si on a des costumes, etc.

 

C’est le sujet de l’interprétation, c’est important dans un écheveau de codes de savoir jouer avec, pour proposer quelque chose de différent, c’est là où l’artiste émerge…

 

Oui, c’est primordial et c’est d’ailleurs ce que je réponds aux personnes qui, pour le coup, estiment que le ballet classique, c’est gnangnan, figé. Moi, j’éprouve beaucoup plus de possibilités de liberté dans le ballet classique que dans certaines pièces contemporaines où le chorégraphe est là. Certains sont extrêmement pointilleux, exigeants jusqu’au placement du petit doigt. En classique non, on a un langage, on sait que la chorégraphie, c’est glissade grand jeté, mais ensuite, la manière dont on le fait nous appartient. Et même la personnalité du personnage qu’on a envie de faire. Dans Roméo et Juliette, le personnage de Roméo, eh bien, il est écrit par Shakespeare, mais une fois qu’il est transposé en ballet, on est libre de proposer notre propre version de Roméo.

Quand le chorégraphe est là, c’est plus dur parce qu’il va considérer le corps de ballet comme un instrument…

 

En tout cas, il a la possibilité d’aller exactement là où il a envie. Il a la possibilité de travailler avec la personnalité et l’interprétation du danseur et donc de le faire participer à sa création. Mais il a aussi la possibilité – je connais des chorégraphes très mécaniques – d’obtenir exactement l’aspect visuel qu’il recherche. Le fait est qu’avec les ballets classiques qui ont cent cinquante ans, on n’est pas dans cette approche-là. Alors dans le corps de ballet, un peu plus. Quand on veut les trente-deux cygnes tous pareils, là, la personnalité, elle est un peu plus inhibée évidemment.

 

Le ballet classique, c’est un corpus d’œuvres qui est largement défini aujourd’hui…

 

Oui, alors le ballet classique, c’est un langage, donc on peut imaginer que demain je crée un ballet classique sur un thème moderne. Par exemple, mon directeur a fait sa version des Enfants du paradis, il a créé de toutes pièces un ballet avec l’aide d’un compositeur qui reprend le film de Marcel Carné. Il y a Wayne McGregor qui, lui, est plus sur une forme de néoclassique très étiré ; il a fait récemment Woolf Works sur l’œuvre de Virginia Woolf, il a fait aussi Dante Project qui reprend vraiment tableau par tableau le poème de Dante.

Est-ce une façon de faire évoluer ce langage pour faire rentrer dans son champ des histoires de relations entre les personnages un peu moins hétéronormatives ? Le cinéma, qui n’a pas été avare en la matière, élargit aujourd’hui un peu ses horizons…

 

C’est vrai que nous sommes sans doute un peu en retard par rapport à ça… C’est en effet une demande du public doublée d’une réflexion qu’on a. Si on transpose fidèlement les codes matériels du ballet classique, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette, etc. au profit d’histoires modernes, eh bien à la fin, ça devient un peu une comédie musicale. Si on reprend vraiment les codes du spectacle avec une narration, des échanges et qu’on fait une histoire moderne dessus, ce n’est pas évident de ne pas tomber dans le divertissement. Parce que les ballets classiques, s’ils ont vécu cent cinquante ans, c’est que c’est plus que du divertissement. Il y a derrière une certaine forme d’universalisme et aussi l’invention de certaines esthétiques. Moi je ne suis pas sûr qu’il faille reprendre le système du ballet classique narratif avec des tableaux, des costumes, des actes, etc. tout en y incorporant des histoires modernes. Je pense qu’il faut simplement donner la possibilité à des chorégraphes contemporains de pouvoir aborder ces sujets-là et d’employer le vocabulaire classique, les pointes, les pas de deux, les adages, dans les créations contemporaines. Il y a toujours des gens qui diront qu’il n’y a pas de ballets classiques qui parlent d’histoires modernes, c’est vrai. Mais dans le même temps, il y a plein de chorégraphes qui le font. Par exemple, Benjamin Millepied a fait sa version de Roméo et Juliette avec sa compagnie à la Seine musicale et c’est une version où les deux protagonistes, Roméo et Juliette, sont dansés parfois par deux femmes, le lendemain par un homme et une femme et le surlendemain par deux hommes. C’est assez extraordinaire de faire ça.

 

Tu es également attiré par le ballet contemporain ?

 

À l’Opéra de Paris, on a un répertoire qui est quasiment 50/50, donc depuis douze ans que je suis à l’Opéra, ça fait douze ans que j’ai l’occasion de faire des pièces contemporaines et de travailler avec des chorégraphes contemporains. Je suis très intéressé par la danse contemporaine, mais je ne suis pas un danseur classique frustré qui veut faire du contemporain, j’en fais déjà. Il y a des saisons plus riches que d’autres, j’en ai fait plus du temps où je n’étais pas soliste. J’ai participé récemment à Kontakthof de Pina Bausch, Roméo et Juliette de Sasha Waltz, j’ai travaillé avec Carolyn Carlson… Mais il me semble vital de continuer cette alternance qui s’internourrit.

 

Les compagnies de ballet sont en général abritées au sein de grandes institutions, au cœur de grandes agglomérations, et répondent à leur besoin de divertissement, de beauté. Est-ce que la danse est un art urbain ?

 

La danse, c’est un art qui prend la conscience des trois dimensions de l’espace et qui apporte le corps et le mouvement comme une quatrième dimension dans cet espace. Par là, ça peut devenir un art urbain, puisque, dans les villes, il va se positionner dans une construction très réglée, à l’intérieur des théâtres, et les théâtres ont une place dans la ville, une fonction dans la ville et dans la société. Mais cet art peut se positionner à l’extérieur des théâtres, c’est là que ça devient intéressant, avec des espaces qui ne sont pas prévus pour la danse mais qui prennent un sens à partir du moment où un corps qui danse se met en scène en leur sein.

Tu veux parler des danses qualifiées d’« urbaines », où la danse envahit la rue ?

 

La rue devient le théâtre de cette danse, et j’aime bien dire que la danse n’a pas de frontières, c’est le corps qui amène le théâtre où il est. À partir du moment où un danseur se met à danser dans la rue, tout ce qui est autour de lui devient le théâtre, et nous le public. Je pense par exemple à la BnF [Bibliothèque nationale de France, N.D.L.R.] qui, à la base, n’a pas été pensée par son architecte, Dominique Perrault, comme un espace scénique. Il paraît qu’il est d’ailleurs très regardant sur le droit à l’image de ses constructions. Pas de bol, c’est quasiment l’endroit où il y a le plus de tournages de vidéos de gens qui se mettent à danser, de pubs, de clips…

 

C’est clair, c’est une sorte de podium géant…

 

C’est un bon exemple, cette bibliothèque, ça devient un espace de danse, elle devient un théâtre. La danse n’a d’ailleurs pas toujours besoin d’être théâtrale, c’est aussi une pratique, solitaire ou collective, qui peut se suffire de ça.

 

Justement, vous les danseuses et les danseurs, vous semblez évoluer dans un environnement très protégé au cœur de la ville, le théâtre de l’Opéra. Quand tu sors du théâtre, cela ne crée-t-il pas un choc ?

 

Je pense que l’objectif de ce qu’on fait, idéalement, ce serait d’amener ce qui se produit dans la ville sur scène. Dans Gisèle, quand on raconte ce qui se passe sur la place du village, c’est potentiellement ce qui se passe sur la place de la République. La rencontre de deux personnes, leurs interactions, comme quand Mercutio se bat avec Tybalt sur la place du marché de Vérone, c’est la même chose. On met l’accent sur des choses qui se passent dans l’espace. Quand je danse à l’Opéra Bastille, le niveau du plateau est un étage au-dessus de la rue. Et les loges donnent sur la rue, quasiment sur la place de la Bastille. Elles sont très proches des passants, des voitures. Et ce qui est assez drôle, c’est qu’il n’y a pas de murs, il n’y a que des portes battantes entre le plateau et une énorme verrière qui fait les huit étages du bâtiment donnant sur la rue. Sous la verrière, il y a comme une place avec une fontaine. Donc on va souvent de la scène à cette fontaine et il y a une sorte de violence, mais pas négative, plutôt une disruption, liée au moment où tu arrives en costume, transpirant, avec ce qui se passe sur scène dans la tête, Tchaïkovski, Prokofiev, que sais-je, pour remplir ta bouteille et là tu regardes dehors des gens qui prennent le métro, qui vivent leur vie, et s’ils tournent la tête, ils voient un mec en collants, déguisé, maquillé. Mais souvent ils ne regardent même pas car ils sont dans leur routine et c’est assez marrant d’avoir ces petits moments de choc, et c’est en ça que ce théâtre est vraiment intéressant car il est au cœur de tout ce mouvement. C’est plus difficile pour l’Opéra Garnier, car il y a plus de filtres.

Et finalement, après le spectacle, tu reprends ton vélo pour rentrer chez toi en traversant la ville, comme les passants que tu observais depuis la fontaine…

 

Ça a le mérite d’être souligné, parce que ça me fait toujours quelque chose de bizarre quand je prends le métro en sortant du ballet et que je me retrouve assis en face de gens qui tiennent le programme dans les mains, qui viennent de voir la pièce et qui ne me reconnaissent pas parce que je ne suis plus déguisé, plus maquillé. C’est tellement un contexte particulier…

 

C’est comme si les vestales s’échappaient du temple pour s’égayer dans la ville !

 

Oui, on laisse tout ça, le côté inaccessible, exceptionnel, à l’intérieur du théâtre. Contrairement à des acteurs ou des actrices beaucoup plus célèbres, nous avons une routine quotidienne physique, où nous allons à notre lieu de travail, toujours le même, puis nous rentrons chez nous. Nous ne sommes pas sur des lieux de tournage toujours différents, ou en tournée mondiale d’un an où on nous envoie des chauffeurs pour nous amener sur le plateau ou pour prendre nos avions… Mais il y a toujours des gens qui me demandent où nous dormons tous ensemble dans l’Opéra, comme si on était en internat. Je leur demande s’ils dorment avec leur équipe dans leur bureau, je leur explique que j’ai 30 ans, que je suis un professionnel comme les autres.

 

Est-ce que la ville est une source d’énergie pour toi et même d’inspiration ? Ou peut-être d’abord de libération ?

 

Je suis né à la campagne, avec un rapport très direct à la nature où, de chez moi, on n’a pas besoin de prendre une voiture ou un vélo pour se balader. La ville, ça a d’abord été un apprivoisement. Ça n’a pas été évident au début, j’éprouvais fréquemment le besoin d’aller au calme les week-ends. Mais oui, c’est devenu une source d’inspiration, parce que j’ai découvert la diversité des modes de vie, des cultures, des gens qui n’ont pas les mêmes éducations, religions, provenances, les mêmes objectifs, les mêmes milieux sociaux… Et à la campagne, c’est beaucoup moins évident. Par exemple, dans mon école de village, qui n’était même pas l’école du village puisqu’elle rassemblait les enfants de plusieurs hameaux, on était une seule classe avec vingt-cinq élèves pour le CP, CE1, CE2 et une autre classe avec le même nombre d’élèves pour le CM1 et CM2. Et l’instituteur s’occupait des uns et des autres selon leur niveau. Donc je n’ai pas le souvenir d’avoir vu des enfants noirs ou des enfants de confession juive par exemple. Moi-même, je viens d’un milieu catholique, comme tous mes camarades autour de moi, donc je n’avais pas accès à cette diversité. À Paris, j’ai découvert ça et ça me passionne de voir à quel point j’ai dû attendre d’avoir une vingtaine d’années pour comprendre qu’il y a des gens qui n’ont aucune référence commune avec moi, si ce n’est la ville, cet espace partagé. En plus de ça, il y a Paris, cette ville culturelle, qui est unique au monde, qui est même stressante puisqu’on a toujours l’impression de louper quelque chose. L’Opéra n’est pas sous cloche par rapport à tout ce qui existe, émerge.

Oui, si on avait installé les opéras à la campagne comme Alphonse Allais proposait d’y installer les villes, peut-être se seraient-ils sclérosés…

 

Ça n’aurait pas pu être ailleurs.

 

Donc il n’y a pas de raison de s’inquiéter ?

 

Non, il faut continuer à donner de petits coups de pointes dans la fourmilière, mais les choses évoluent (rires).

 

Dans cette ville comme une grande scène, y vois-tu des chorégraphies auxquelles tu serais sensible ? Peux-tu nous les décrire ?

 

Il y a des spectacles que j’ai vus qui m’ont fait regarder la ville différemment, qui m’ont fait voir à quel point la danse n’a pas de frontières, elle va plus loin que le corps qui danse, elle va dans l’œil de celui qui regarde. J’ai vu des spectacles qui reproduisent ce qui se passe dans la rue. Des gens qui marchent, qui courent, qui discutent, leur gestuelle, leurs habitudes. Si tu regardes Pina Bausch qui a émergé dans les années 1970, elle met souvent en scène les années 1930 car, ce qui l’intéresse, c’est ce qui s’est passé chez elle pour arriver à la Shoah, elle met des gens et elle leur fait faire des actions quotidiennes. Et elle leur fait répéter ces actions-là, de façon de plus en plus agressive, de plus en plus hilarante, et en les isolant de cette manière-là, elle permet par cette répétition d’entrevoir à quel point elles peuvent receler de beauté, de poésie. Il y a des chorégraphes comme Anne Teresa De Keersmaeker qui, elle, va avoir une approche très scientifique du corps, du mouvement, de sa rythmique, de son aspect pendulaire, du corps qui marche, qui avance, si tu fais marcher une personne plus rapidement qu’une autre à côté, tu vas créer une séquence, un unisson, comme en musique. Ce jeu de miroirs n’est pas forcément conscient, recherché, il existe, parce qu’on ne peut pas l’éviter.

 

Tu t’intéresses à la mode, tu as collaboré avec agnès b., Jean-Paul Gaultier… mais aussi, et c’est la raison de notre rencontre, à l’architecture et au design. Autant de dimensions qui sont présentes sur un plateau avec les costumes et les décors ?

 

Par rapport à la mode oui, parce que le vêtement, c’est la continuité du corps. Le vêtement accentue, ou permet de donner au mouvement une forme encore plus réaliste que le corps lui-même. Il y a aussi le côté fame, au bout d’un moment, il y a des gens qui te contactent parce que tu es danseur étoile et que ça valorise leurs vêtements si tu les portes. Si je fais le lien avec le design, c’est peut-être pour des raisons plus personnelles que je m’y suis intéressé, et donc familiales. Je me suis toujours intéressé à l’architecture en béotien, je me suis intéressé aux espaces, comment tu joues avec la lumière, comment tu joues avec l’intérieur, l’extérieur, comment tu remplis les espaces et il s’avère que j’ai rencontré un garçon avec qui je suis depuis sept ans dont les parents et la sœur sont architectes. Ça m’a permis, à travers leur regard, leur manière d’aborder la ville – ils travaillent beaucoup sur la réhabilitation de logements sociaux – d’affiner le mien sur la façon d’habiter un logement, de comment on le rend plus égalitaire, plus agréable.

Et pour l’appartement que tu partages avec ton compagnon, Pablo, tu t’es inspiré de celui de tes beaux-parents ?

 

Oui, et aujourd’hui eux-mêmes s’inspirent de choses qu’ils ont vues chez nous et qui leur ont plu. Un dialogue s’est installé entre nous autour du design. Par exemple, nos radiateurs verticaux d’inspiration industrielle à ailettes, c’est une idée des parents de Pablo. Il y en a partout au CND [Centre national de la danse, N.D.L.R.] de Pantin d’ailleurs. Cette lampe Nessino, je la leur ai offerte parce qu’ils m’avaient dit qu’ils l’adoraient. La couleur bleue de la crédence – c’est vrai qu’ils ont un canapé bleu – mais le bleu Klein, j’ai du mal à m’en détacher. Je l’ai mis devant la plaque de cuisson, ce qui est n’importe quoi parce que c’est une teinte très fragile… Ils nous ont donné les fauteuils AA [Airborne, N.D.L.R.] parce qu’ils en avaient en trop… J’ai acheté le petit salon de jardin jaune parce que je voulais que ça réponde au bleu de la crédence et ils ont acheté un salon de jardin exactement de la même couleur, donc c’est marrant.

 

Peux-tu nous parler du lieu où tu vis ? Quel rôle joue-t-il dans ta vie ?

 

Je m’y sens vraiment chez moi, c’est un refuge. Je voyage pas mal, je pars en tournée à l’étranger. Cet appartement-là, spécifiquement celui-là, a remplacé mon désir constant d’aller à la campagne quand j’avais besoin de calme. Je suis toujours content d’aller chez mes parents, mais j’en ressens moins la nécessité depuis que j’habite ici. Aujourd’hui, quand j’ai besoin d’être tranquille, de me concentrer sur certaines choses, je sais que je suis bien ici pour le faire.

 

C’est pour cela que tu souhaitais qu’il soit en hauteur, perché au-dessus de la ville ?

 

Aussi haut, non. Je ne peux pas dire qu’on a cherché avec Pablo à être aussi haut. Il s’avère que finalement je suis très content de l’effet que ça a, le fait d’être très haut, et de ne pas voir la rue. Je ne la vois que si je me penche, ça me donne la sensation d’être coupé de l’énergie constante de la ville. J’ai un peu l’impression d’être dans un ballon dirigeable, dans une montgolfière.

Tu me parlais de tes déplacements à l’étranger, est-ce important pour toi d’être ancré quelque part ? Tu aurais pu faire le choix de la location, de ne pas t’investir autant dans l’aménagement de ton appartement…

 

En fait, c’est un choix assez pragmatique. Comme je suis en CDI à l’Opéra, tout le monde m’a conseillé très rapidement d’acheter plutôt que de louer en me disant qu’il fallait que j’en profite car c’est quand même compliqué d’acheter à Paris. J’ai d’abord été locataire de plein d’appartements, j’ai changé quasiment tous les ans pendant cinq ans, puis j’ai acheté mon premier appartement qui faisait 28 mètres carrés à Réaumur-Sébastopol. Ensuite, avec Pablo, on a acheté celui-là. C’est à ce moment-là que j’ai eu envie d’acheter quelque chose à refaire, aussi parce que c’était un projet à deux, avec l’idée d’en faire notre propre utopie. Par exemple, les cloisons ou les portes, ça me saoule, je n’ai jamais eu le besoin de m’enfermer dans ma chambre, c’est pour ça que l’espace est plutôt ouvert.

 

Est-ce qu’un danseur – qui plus est mannequin à ses heures perdues – danse chez lui, virevolte en faisant le ménage, défile pour présenter ses looks à son copain ?

 

Oui, ça nous arrive de danser, de nous mettre en scène et de prendre des photos pour rigoler. Mais pas plus ici qu’ailleurs et pas plus nous que d’autres gens. Quand je fais des soirées avec mes copains danseurs, ça peut assez vite se transformer en essayages de trucs assez drôles qu’on a achetés à Barbès. Ça peut être marrant, oui…

 

Dans ce numéro, notre dossier aborde la question de la place des enfants dans la ville. Est-ce que toi et Pablo vous vous posez la question de faire une place à un enfant un jour ?

 

(Pablo arrive à l’appartement, Germain lui propose de participer à l’entretien.)

Tout à fait. La place qu’il aurait dans notre appartement est déjà définie. Pour le coup, on referait quelques petits travaux, mais c’est assez simple. Il faut peut-être recloisonner la partie ouverte de la chambre, installer une verrière pour garder le caractère traversant, avec un rideau pour la nuit, j’ai déjà tout étudié ! Ce n’est pas un projet pour demain, mais quand il arrivera, parce qu’il arrivera, on saura le mettre en place. Et pour répondre à la question des enfants dans la ville, Pablo est parisien, il est né dans le 13e, il a un rapport à la ville en tant qu’enfant qui n’est pas le même que moi, qui ne me semblait pas évident. Il y a beaucoup de parents qui disent « Moi quand j’aurai des enfants, je partirai à la campagne ou en banlieue pour avoir plus d’espace », etc. Nous, ce n’est pas quelque chose qui nous semble évident. Si on a des enfants, ils vivront dans Paris. Je sais que Paris, c’est cher. Mais si nous pouvons l’assumer financièrement, je considère qu’un enfant a toute sa place dans Paris.

Pablo : Bah oui, nous, on allait au parc, quoi. J’avoue que je n’ai jamais trop compris ce débat. Je vois la différence avec Germain qui a souffert, jusqu’à ce qu’il arrive à l’internat, d’être tout seul. Dans son village, il était le seul enfant…

Germain : Dans mon hameau, on était quarante et il n’y avait pas d’enfant de mon âge…

Pablo : … et son ami le plus proche, il devait faire une demi-heure de vélo pour aller le voir. Moi, mon meilleur ami, il était dans mon immeuble, c’était le voisin du dessous et donc, le matin, j’allais le voir et on passait nos journées ensemble.

Germain : D’un point de vue sociabilité, c’est je pense plus intéressant quand tu es petit d’être dans un environnement un peu peuplé…

Ton outil, ton corps, donne-t-il déjà des signes
de fatigue ?

 

Ça a déjà commencé. J’ai 30 ans et je dirais que, depuis que j’ai 25 ans, je commence à comprendre la notion d’usure. J’ai un peu d’arthrose dans le pied, j’ai des petits blocages qui, je sais, ne se débloqueront jamais vraiment. On vieillit, c’est-à-dire, on doit accepter que certaines choses demeurent là où elles n’étaient pas auparavant. Mais il y a aussi des choses réversibles qui s’améliorent avec le temps. Donc il faut regarder les choses avec confiance.

 

Où te vois-tu plus tard, après la danse ?

 

Ce qui est sûr, c’est que j’aurai envie de rester dans le domaine du spectacle vivant, le milieu de l’art. Et je verrai quelle forme cela prendra. Peut-être qu’à un moment donné, approchant de la fin de ma carrière, j’aurai envie de rester sur scène aussi. Et il faudra que je trouve les moyens de pouvoir le faire sans que mon corps soit une limite. Par le théâtre, par la performance…

 

C’est pour cela que tu as emménagé au-dessus du Cours Florent ?

 

Exactement. C’était l’objectif (rires) ! C’est d’ailleurs très drôle d’habiter au-dessus du Cours Florent, parce que, quand on rentre chez nous, on a souvent des gens qui s’engueulent très fort et en fait ils répètent leur scène. Au début, c’était un peu déroutant car on avait envie d’intervenir. Parfois, il y a aussi juste des jeunes qui traînent en bas et qui peuvent s’embrouiller. Donc c’est très drôle de se poser la question deux minutes. S’ils sont mauvais, on comprend très vite qu’ils font du théâtre, mais s’ils sont bons, on se pose un peu la question (rires).

« Être danseur, c’est passer beaucoup de temps devant le miroir. Comment ne pas m’interroger à chaque spectacle sur
mon rôle ? »

Photographies : Charlotte Robin
Texte : Jean Desportes