On a d’abord repéré ses tasses Donut. Puis on a découvert ses vases Méduse. On a voulu rencontrer celle qui se cachait derrière ces créations pleines de grâce et d’humour. On l’a trouvée dans son endroit de prédilection : son atelier, enchâssé dans l’impressionnant complexe artisanal de l’Orfèvrerie à Saint-Denis. Sculptrice ? Designer ? Artisan ? Un peu tout ça à la fois, mais surtout pas d’étiquette. Bienvenue chez Pia Chevalier !
Pour trouver Pia, il faut d’abord franchir la barrière d’accès au site, puis demander au gardien de nous indiquer le chemin dans ce dédale de rues bordées de vénérables bâtiments industriels en briques rouges.
« L’Orfèvrerie, c’est les anciennes usines Christofle. Sur ce site, ils fabriquaient tous les objets. De façon amusante, il subsiste une activité de métallurgie et d’orfèvrerie. »
« Depuis 3 ans a été instaurée une résidence d’artistes et d’artisans, d’abord gérée par l’agence Manifesto et maintenant par Soukmachines. On est plus de 300 résidents à travailler autour de nos métiers créatifs, sculpteurs, designers, peintres… »
« On trouve encore ici des bronziers d’art, des fondeurs, des doreurs… Mon atelier c’est un espace de vie, j’y vais tous les jours. C’est un peu comme un bureau. C’est très important. J’essaie quand même de ne pas venir le week-end. »
Après avoir franchi la porte d’un grand hangar, il faut encore traverser un vaste volume occupé par un jeune artiste peintre qui s’affaire sur des grands formats à la bombe, pour se diriger vers une porte un peu cachée.
« Ce site, c’est vraiment la famille, on est énormément, il y a un échange avec les autres artisans. Quand on coince sur un problème technique, on s’échange beaucoup de services. J’ai fait des collaborations avec des artistes voisins. Notamment avec Kraken qui a dessiné un grand poulpe sur un de mes vases exposé dans le Marais en ce moment. »
« J’ai une pratique du métal et de ses finitions, c’est-à-dire de la soudure, de la brasure et de l’oxydation pour avoir des patines, des finitions de mobilier. »
« Je fais ce travail sur du laiton, du cuivre et de l’acier. Et aujourd’hui, j’essaye d’associer le laiton et l’acier à la céramique pour créer un lien entre ces matériaux que j’ai explorés en parallèle jusqu’à maintenant et que j’aimerais confronter. Je fais de la petite série. Des pièces uniques. »
Ici, Pia est en train de terminer le modelage d’une de ses fameuses théières Croissant éditées par French Cliché qui font fureur à la Boutique de Loulou, le concept store de la Samaritaine.
« Même les tasses qui sont considérées comme de la grande série parce qu’elles ne sont pas numérotées, ce sont des pièces originales parce qu’elles sont toutes fabriquées à la main. Je n’utilise pas de moule, donc toutes mes pièces sont uniques. »
Après une première cuisson appelée « le biscuit », vient l’étape de l’émaillage : il se fait au trempage ou au pinceau, comme une sorte de bain de peinture.
« Je ne veux pas rentrer dans la production de séries parce que je suis toute seule et que je veux avoir du temps pour développer de nouvelles pièces. »
« C’est aussi ce qui est intéressant dans nos métiers. De conserver un œil et une ouverture sur de nouvelles pièces, de nouveaux objets. À mon sens, il faut essayer d’éviter de rentrer dans de la grosse production parce que, quand on est seul, ça prend tout de suite beaucoup de temps et de place. »
« Je pense que l’édition peut être intéressante. »
Sur les rayonnages s’étagent des céramiques cuites prêtes à peindre. On reconnaît les vases Poulpe, les mugs Donut et les théières Croissant.
« Je trouve que ce serait une jolie histoire que d’éditer certaines pièces comme les Donut. Je l’envisagerais comme une deuxième vie pour cette création. Mais moi toute seule, je ne vois pas l’intérêt d’en produire des milliers à la chaîne. »
Dernière étape essentielle, la cuisson de l’émail au four qui protège et garantit la tenue de la faïence dans le temps.
Je crois que les Donut ont eu du succès parce qu’il y a quelque chose de démesuré dans l’anse qui fait qu’on les remarque. Et après, cette idée de grandes anses m’a permis de développer les vases, la collection Poulpes et Méduses où on retrouve cette démesure, cette rondeur.
Dans un coin de l’atelier, un empilement de théières Croissant prêtes à peindre et un exemplaire fini. Un concentré de petit-déjeuner continental !
C’est assez léger en fait. Ça m’a permis de développer toute la partie culinaire de ma production : les théières Croissant, les Macarons, les Religieuses au chocolat… Je n’ai aucune pièce dont j’ai arrêté la production parce que je n’avais pas de demande.
« Il y a des échos entre mes deux approches, même si le métal est plus froid : j’essaye de trouver de l’arrondi, de la légèreté, quelque chose d’un peu bulle, qu’on retrouve dans les rondeurs des Donut ou dans les lampes Astrée et Blob. »
Les matériaux sont très différents. Pourtant, il y a de la préciosité dans le laiton qu’on retrouve dans la céramique et de la brutalité dans la céramique qu’on retrouve dans l’acier.
Le fond de l’atelier avec la croûteuse qui est une presse pour la terre, et un espace de stockage pour les pièces en métal.
Le dialogue se fait assez bien.
Dans un autre coin de l’atelier, quatre prototypes d’une nouvelle création de Pia en collaboration avec Sloft !
Là, je vais m’arrêter un peu pour mon bébé et je reprendrai du service en janvier. Je vais avoir quelques mois qui seront super. Car c’est du temps que je ne prends jamais et qui peut être utile pour réfléchir à de nouvelles pièces.
J’aimerais développer plus de luminaires, d’appliques, de suspensions. Ça va être un temps de sourcing, d’études sur ces éléments techniques pour de nouvelles pièces parce que, même avec l’épidémie du Covid, j’ai toujours eu la chance de continuer à produire et à travailler. Je vais enfin avoir le temps de cogiter alors que je suis toujours dans l’action. À la fois ça me fait peur car je me dis « mince je n’ai plus rien au four ». Mais en même temps c’est très important.
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