Toutes les couleurs qu’elle aime, 70 m² à Vanves
L’appartement collection d’Amel. Moi qui m’étais jurée de ne jamais quitter la rive droite, eh bien j’ai fait pire : la banlieue rive gauche ! Bienvenue chez Amel, très connue sur les réseaux sous le pseudonyme d’Ugly Mely, collectionneuse passionnée et spécialiste de la sneakers. Elle nous fait découvrir l’appartement pop et vivant qu’elle partage avec son mari à Vanves, nous parle de sa passion pour la basket et aussi de ses choix déco à rebours des classiques installés.
Amel : On est dans le vieux Vanves qui est proche d’Issy les Moulineaux et de la Porte de Versailles, dans un petit quartier de proximité avec un côté parisien typique, les pavés, les petites rues… Je suis franc-comtoise, j’ai fait toutes mes études à Strasbourg, donc le côté campagne-province ne me dérange pas. En revanche, quand je suis arrivée à Paris il y a 15 ans, j’ai vécu une dizaine d’années rue Lafayette à Gare du Nord, donc dans un gros quartier populaire que j’aime énormément. J’ai rencontré mon mari qui est né à Clamart et travaille à Issy-les-Moulineaux. Moi qui m’étais jurée de ne jamais quitter la rive droite, eh bien j’ai fait pire : la banlieue rive gauche ! Je n’avais pas le choix car mon mari avait besoin d’être à proximité de son lieu de travail. Il est directeur de centre aéré. Je l’ai donc rejoint à Issy-les-Moulineaux. Je connaissais un tout petit peu Vanves. J’y ai découvert son côté familial. Ici, il y a une vraie vie de quartier, c’est pour ça qu’on a choisi de s’y installer plutôt qu’à Issy. C’est plus petit et c’est très proche de Malakoff et Montrouge qui sont aussi des villes un peu plus populaires. C’est une ambiance que je recherche dans ma vie quotidienne. La mixité c’est important. Des quartiers qui représentent toute la population française.
Amel : On avait des critères précis. Qui dit banlieue, en tant qu’anciens parisiens, on espérait avoir une terrasse ou un balcon et aussi une deuxième chambre. Parce qu’il est important d’avoir une chambre pour mes baskets ! Sans oublier un plan très bien agencé avec beaucoup de rangements, ce qui fait sens avec ma collection. Bref, on n’a jamais trouvé. La banlieue parisienne reste…parisienne ! On a visité pas mal de duplex, mais mon mari a toujours vécu en appartement, donc il n’était pas à l’aise avec l’idée d’avoir un étage. Au bout de la dixième visite, on a visité cet appartement et on a eu un gros coup de cœur sur la lumière. Ça nous a fait oublier toutes nos envies d’extérieur. Il y avait une deuxième chambre, pas mal de rangements dans le couloir et un belle cuisine ouverte. Bref, à part l’extérieur, il cochait toutes les cases.
Dans l’entrée, un tableau de l’artiste belge LRNCE installée à Marrakech.
Amel : La lumière change réellement notre quotidien. Grâce à l’arrondi du salon, on a de la lumière à chaque heure de la journée. Et étant en télétravail depuis 1 an, c’est essentiel d’avoir pour moi ce rapport à la lumière.
Amel : La basket, ça a été longtemps le seul moyen pour moi de m’exprimer et de présenter ma personnalité, parce qu’en termes de style vestimentaire, je suis assez classique. Mais la basket me permettait d’exprimer quelque chose, d’être dans un courant. J’ai commencé à aimer la basket en 1994. Ça fait un long moment ! Quand je suis sortie de la fac, j’ai pu commencer à acheter mes baskets moi-même sans l’aide de mes parents. Et puis c’est monté assez vite. J’ai sorti une paire de baskets avec Reebok en 2012 et puis un livre sur ma collection avec Hachette en 2015. Donc c’est une vraie passion et à côté de ça, je faisais beaucoup de consulting pour des marques sur des expositions en apportant un regard historique, mais aussi en prêtant des baskets. Il y a eu une expo Jordan au Palais de Tokyo où j’ai prêté quelques paires, des lampes… J’ai participé à la vie active de la sneakers dans les années 2000-2010 et puis j’ai vieilli ! (rires) Donc ça finit dans une pièce. Mais j’ai toujours ce goût pour le lifestyle, ça fait partie de moi, c’est pour ça que chez moi on retrouve pas mal d’objets, beaucoup de livres sur la basket…
Dans le salon, un tapis Azilal marocain accueille une table basse Noguchi éditée chez Vitra. L’ensemble est éclairé par une suspension Junit de Schneid Studio.
Focus sur le Togo couleur Joy Absinthe. Une teinte douce et naturelle qui fait écho aux pays d’origines d’Amel.
Amel : Dans le salon, pour continuer sur les influences, il y a un tapis berbère, qui vient du Maroc, de la région de Safi près d’Essaouira, tissé à la main et teint à la main. On l’a rapporté de là-bas. Mon père est de là-bas, donc c’est pratique pour rapporter des choses. Ce sont des petites touches qui me rappellent mes origines et qui, en même temps, apportent beaucoup de couleurs. Je trouve ce tapis moderne pour un tapis berbère. Les couleurs, le jaune, le rose fluo etc… c’étaient des couleurs qui n’étaient pas utilisées dans le temps, mais ça a été un coup de cœur quand je l’ai trouvé grâce à ma mère. Dans la chambre, il y a aussi un deuxième tapis berbère avec des touches de couleurs en forme de pois. Pareil, le pois ce n’est pas un motif traditionnel. Ce sont plutôt de longs traits qui sont utilisés sur les tapis berbères. Le pois apporte un côté moderne.
Amel : Je suis devenue une influenceuse de la basket. J’avais ouvert un blog en 2008, c’était le premier blog féminin sur la basket, et ça a pris pas mal d’ampleur. J’ai un compte Instagram sur lequel j’échange pas mal, donc j’ai beaucoup voyagé pour rencontrer des gens qui tenaient des shops de baskets. J’ai créé un réseau qui m’a permis en 2015 de travailler au Coq Sportif à la com’ de la marque. Ce réseau a fait que cette passion est aussi devenue une profession à un moment. Aujourd’hui je reste active mais de loin. Je consomme toujours mais beaucoup moins qu’avant car j’ai ce problème de stockage qui devient un vrai problème. J’ai 550 paires réparties entre la cave, les placards de l’entrée et du couloir et la chambre d’amis. Et aussi une petite partie chez mes parents, mais je ne les compte pas. C’est le petit stock de secours ! (rires) Je ne collectionne pas les modèles rares. Je collectionne les modèles que je porte. Donc je ne stocke pas. Je porte. J’ai des paires qui, certes ont une valeur, mais quand on les porte elles la perdent. J’ai par exemple une paire de New Balance Paris sorties uniquement pour l’ouverture de la boutique parisienne de New Balance, vous avez le 75002 Paris à l’arrière, j’ai des collabs entre feu Colette et de nombreuses marques comme Asics, y’a un peu de tout, c’est très varié. Je pense que j’ai une collection qui ne ressemble pas aux collections des vrais collectionneurs. Parce qu’ils vont vraiment les garder en attendant qu’elles prennent de la valeur pour les revendre. Moi ma collection elle vit, tout est porté.
Amel : Comme vous l’avez vu, j’ai beaucoup de choses, des livres, des « toys » qui viennent enrichir la bibliothèque. J’avais besoin de trouver des meubles assez « soft » pour laisser s’exprimer la déco, les vases, oui, je collectionne aussi les vases (rires) …
Face au canapé, la bibliothèque sur mesure par MetalikCreations.
Amel : La bibliothèque est sur mesure car je voulais valoriser tous les objets que je collectionne, j’ai des vases qui viennent de LRNCE qui est une artiste belge qui vit à Marrakech. Je voulais que la bibliothèque ne soit pas trop expressive. On s’est posé la question du chêne ou du hêtre, mais on trouvait ça trop brut quand on a testé, ça ne laissait pas s’exprimer les couleurs. Les livres sont rangés par couleurs, c’était important que la couleur ressorte.
Amel : Le côté scandinave me permet de ne pas trop “charger” l’appartement. Les couleurs prennent beaucoup le “lead” sur l’appart. Utiliser des meubles scandinaves permet de “minimaliser” l’appartement et de ne pas avoir trop de choses massives qui pourraient alourdir l’ensemble.
De l’autre côté de la table basse, on remarque un amusant tabouret jaune. C’est un tabouret tunisien tressé à la main. Éclairant la table de la salle à manger, une suspension de Schneid Studio modèle Eikon.
Amel : La déco est arrivée tardivement dans ma vie. D’abord financièrement. Quand on a son premier job, on se tourne vers IKEA et des choses très classiques qui permettent de vivre. Et petit à petit, j’ai acheté des choses comme la table Noguchi par Vitra. Elle a 13 ans. C’était mon premier achat de mobilier. Mais ce goût des choses, je l’ai depuis longtemps. Il me manquait un appartement avec de la place et un peu plus de sous !
Éclairant le plan de travail, un bel alignement de suspensions Flowerpot par Verner Panton. On retrouve une palette “terre” chère à Amel.
Amel : Je n’ai pas besoin d’avoir toujours des pièces signées. J’aime bien aussi des jeunes talents, des choses assez nouvelles qui collent à la modernité de maintenant. Je ne veux pas tomber dans le côté très classique du design. J’en ai quand même, mais je fais des mélanges ! C’est comme dans mes baskets. J’ai autant du classique pas confortable que du confortable plus fun !
Amel : On a dû attendre la fin du premier confinement en mai 2020 pour faire des travaux. On a ouvert la salle de bain sur la chambre pour retrouver de la luminosité naturelle dans la pièce qui était essentielle car ça reste une petite pièce. Et une petite pièce fermée, c’était dérangeant. On a cassé le mur, installé une verrière très classique, et puis ce qui était important, c’était de retrouver des touches de couleurs. Donc y’a des pans de murs colorés pour retrouver ce côté ludique d’un appartement vivant avec des vrais gens et s’éloigner du côté “appartement témoin”.
Amel : Le chevet, avec, à gauche, la verrière qui éclaire la salle de bain en deuxième jour.
Amel : J’ai choisi des couleurs « terre », elles font référence à mes origines, je suis marocaine et algérienne, j’avais donc besoin de retrouver cette terra cotta. Bon c’est très tendance certes, mais elle a toujours été dans ma vie, même chez mes parents, à travers la vaisselle de terre qu’on peut retrouver à Essaouira, Marrakech et qui fait aujourd’hui aussi partie de ma vaisselle. Ce sont des choses que j’aime beaucoup et retrouver ces teintes sur des pans de murs ça m’évoque le Maroc et l’Algérie. Ça réchauffe les pièces. Mais ensuite, je n’ai pas de mal à mélanger les teintes. J’ai un pan de mur qui est plutôt terreux dans la chambre, ça me dérange pas du tout de mettre un linge de lit totalement jaune ou orange. Je n’ai pas de difficulté à mélanger les couleurs. Pour moi, il n’y a pas d’interdit, comme sur les baskets.
La vue sur la salle de bain ouverte.
Amel : Cette chambre, c’est vraiment mon univers : plus coloré et un peu plus fouillis. Parce que l’appartement représente nos deux goûts à nous. C’est pour ça qu’on y retrouve plein de petites choses, des artistes que j’aime beaucoup, des oeuvres faites par des potes… On est vraiment content d’avoir déménagé une semaine avant le confinement. Parce que dans l’autre appart, on n’y était pas du tout en termes de luminosité. Et si jamais on se retrouvait à nouveau confiné, il y a « ma pièce » qui me permet de m’isoler et de travailler.
Le bureau d’Amel constitué d’une table AM.PM. et d’une chaise Cesca de Marcel Breuer, avec, au fond, dans le couloir, un placard rempli… de baskets !
Amel : Maintenant je suis responsable communication chez Sephora France. Je m’occupe de toute la communication achat média et social média. Ça fait 13 ans que je travaille dans la communication. J’ai une expertise qui est plutôt marque de luxe, maison de luxe. J’ai commencé chez Saint Laurent à la couture. Je n’ai jamais négligé ma vie professionnelle pour ma passion. C’est une vie parallèle. Le blog est sorti quand j’étais en stage chez Vuitton. Je m’ennuyais totalement. C’était le Vuitton de Marc Jacobs, bien strict. C’était pas celui de Virgil Abloh. J’étais en talons toute la journée… Et un jour, en arrivant au Coq Sportif, j’ai pu exercer ma passion et ma profession en même temps. Ce qui n’est pas forcément évident car quand on est passionné et qu’on est limité, il y a un conflit qui se crée. Et je suis partie chez Sephora.
Dans le fond de la “pièce d’Amel”, un canapé Tediber avec à ses pieds un tapis d’Andy Rementer pour Case Studyo. Et bien sûr l’iconique lampe Jordan par Case Studyo x Grotesk.
Amel : J’ai découvert que dans la beauté, c’était exactement comme dans la basket. Il y a ce rapport à l’appartenance qui est un élément important. On a besoin de posséder la dernière palette, le dernier rouge à lèvres, la dernière collab’, donc j’ai retrouvé cette adrénaline de dire « ok on va sortir cette marque, ça va être sold out en moins de 10 minutes. » Et j’ai commencé une collection. J’ai le goût de la possession du produit rare. Il y a une satisfaction éphémère à la possession d’une nouveauté. Samedi, y’avait une nouvelle paire qui sortait, je la voulais absolument. Notification sur le téléphone, je l’achète, le moment de se dire « ça marche, je l’ai, UPS va me livrer », c’est une satisfaction. Mais je suis de l’ancienne école. C’est vrai que j’aime aller en magasin. Regarder la paire, la toucher, et souvent je repartais avec aux pieds. Et je savais comment m’habiller car je savais que j’allais l’acheter !
Amel : On ne retrouve pas le même plaisir en ligne. Tout le sujet de mon plan stratégique de cette année, c’est de créer des lieux expérientiels. Je pense que le lieu est toujours important. On a vu que quand on a déconfiné, les gens se sont rués dans les magasins. Je pense qu’ils ont besoin de vivre cette expérience. Mais il va falloir être complémentaire sur le digital. Apporter une “shopping expérience”, soit pour emmener les gens en magasin soit pour le faire vivre dans le digital. Pour moi c’est complémentaire. On ne pourra pas se passer de l’un ou de l’autre.
Amel : Les gens ont besoin de voir, toucher sentir. Nos sens ont été maltraités pendant ces derniers mois. Donc le sensoriel a de beaux jours devant lui. On a besoin de se créer des souvenirs. Tous mes voyages autour de la basket pour des lancements de marques ou pour du perso, je me souviens de ces shops, je me souviens des histoires de mes baskets. Y’a des baskets que j’ai achetées à 20 dollars à New York dans le Queens, dans des lieux où personne n’irait mais c’était hyper cool et je m’en souviens. En ligne, c’est évidemment différent.
Et voici Amel, derrière un mur qui n’est pas sur le plan de l’appartement !
Les adresses “les yeux fermés” d’Amel :
Pour bien manger : Le Café du Marché, 224 avenue Victor Hugo, 92140 Clamart
ou
La Poudrière, 58 Promenade du Verger, 92130 Issy-les-Moulineaux
Pour s’habiller avec goût : Isciacus, 8 rue Auguste Gervais, 92130 Issy-les-Moulineaux
Pour soutenir les producteurs locaux : ABBAS Primeurs, 23 rue de la République, 92170 Vanves
Photographies : Fabienne Delafraye, www.fabiennedelafraye.com
Texte : Jean Desportes