Rénovation d’un haussmannien de 75 m² à Paris XVIe
Épure, lumière et perspectives comme maîtres mots
"Le XVIe n'était pas notre arrondissement de prédilection mais l'appartement nous a beaucoup plu. Et finalement l'avenue Foch toute proche, avec ses contre-allées, c'est parfait pour promener mon chien et discuter avec les jardiniers, moi qui suis fan de jardin !” Alexandre Deshayes est architecte d'intérieur et achète cet appartement avec son ami pour en faire leur résidence et y installer son studio. L'appartement, qui avait été loué pendant très longtemps, avait perdu tous ses éléments de décor anciens (moulures, cimaises…), présentait de l'électricité sous baguettes, des fenêtres avaient été murées, la cuisine était très sombre et l'entrée d'une taille disproportionnée (9 m²). Malgré cela, il avait tout d'un grand : seul à l'étage, porte de service dans la cuisine, belle hauteur sous plafond (3,10 m), luminosité. Du grand haussmannien dans un gabarit maîtrisé. Auquel il fallait redonner ses lettres de noblesse…
"Pour cette rénovation, j'ai retrouvé le plan d'origine et je suis reparti de cette trame pour récupérer toutes les fenêtres, comme celle de l'entrée, cachée derrière des WC (!), mais également celles des deux salles d'eau, murées. La circulation de la lumière dans toutes les pièces est l'essence de mon travail et dicte mes choix de positionnement d'une porte, d'un lit, d'un placard…" Ces placards sont réalisés sur-mesure afin d'en limiter le nombre et pour qu'ils ne se voient pas. La part belle est laissée aux objets et éventuellement à quelques meubles choisis. Ainsi, un espace de rangement "totem" est créé de toutes pièces dans l'entrée pour organiser la circulation et laisser passer la lumière (qui était alors bloquée par un mur) du bureau à la cuisine. Dans cette cuisine, Alexandre joue des meubles hauts comme d'une bibliothèque en y mélangeant vaisselle, objets, lampes, livres. Pour gagner en luminosité, la fenêtre en verre gravé est refaite en verre clair, avec des montants fins en métal, type atelier. L'éclairage sur rail de chez Guzzini a été choisi au départ juste pour cette pièce : sa configuration faisait que c'était une vraie grotte ! "Mais comme elle est grande, j'avais envie que l'on s'en serve, qu'on ait envie d'y aller. Ces rails de spots avec un super IRC (Indice de Rendu de Couleur, n.d.l.r.) donnent une lumière très agréable et on a finalement mis ça dans tout l'appartement. Pendant le confinement, nous étions deux à travailler à la maison et ça n'était pas ressenti comme une punition d'aller s'installer dans la cuisine parce que le bureau était déjà pris !"
Dans la salle de bains de la chambre, les rangements sont aménagés tout autour de la porte pour ne pas empiéter sur l'espace du lavabo. Le choix est fait d'une petite baignoire, profonde, un peu comme un bain japonais. Ainsi cette petite surface d'environ 2,5 m² au sol donne quand même une sensation d'espace.
Dans la chambre, assez petite, l'architecte fait le choix de ne placer aucun meuble, les rangements ont été déportés dans le totem de l'entrée.
“J'utilise une toile de fond blanche minimaliste à laquelle j'insuffle du caractère avec des objets et des fournitures précieusement choisies (interrupteurs, radiateurs en fonte, gros robinets, miroirs…) : le minimalisme belge enrichi à la sauce anglaise !”
En route pour la découverte de ce paradis blanc…
L’architecte Alexandre Deshayes.
Un “totem” a pris place au centre de l’entrée. Il regroupe le vestiaire, une armoire pour le linge plié, une penderie, une armoire “technique” (table à repasser, valises, aspirateur) et toutes les connectiques (fibre, etc.).
Demi-tour et belle perspective vers le salon. Le noir brillant du piano crapaud s’impose dans toute cette blancheur. On devine les volutes de fer forgé du balcon filant.
Le parquet était très abîmé. Afin de dépenser le moins d’énergie et de ressources possible, il a été réparé avec du bois ancien et peint en blanc pour recréer une unité dans toutes les pièces.
Dans le salon baigné de lumière, un canapé Conran Shop recouvert d’un drap. Délibérément posée au sol, la collection d’estampes et de photos des propriétaires. “Les tableaux retournés sont les miens. Je peins mais je les mets toujours à l’envers !”
Table basse Tulip par Eero Saarinen (Knoll), fauteuil Ghost de Paola Navone (Gervasoni) et LCM de Eames (Herman Miller) chinés aux puces.
Composition épurée et reposante avec le Ghost de Gervasoni, une petite table marocaine, et quelques fleurs séchées. “La lampe italienne n’a qu’une dizaine d’années mais je n’ai jamais pu retrouver qui étaient les artisans !”
Le noir du tabouret Berger de Charlotte Perriand (Cassina) fait écho à celui du radiateur chiné, installé sous la fenêtre.
L’ouverture entre le bureau et le salon a été recréée afin de retrouver la perspective des pièces sur rue. “Dans un haussmannien, on a toujours un accès à l’arrière de la pièce, et des pièces sur rue qui communiquent entre elles.” Porte ancienne chinée.
Le salon vu depuis le bureau. Contre le mur, un miroir de famille.
Le poste de travail de l’architecte, avec ses échantillons. Chaises J77 rééditées chez Hay. “J’en avais acheté un énorme lot provenant d’un restaurant pour une autre rénovation. J’en mets partout !”
Les niches ont été créées de part et d’autre d’une ancienne cheminée supprimée lors d’une précédente rénovation. En bas, derrière les cimaises, des rangements, des prises. La petite sculpture en béton semble monter à l’assaut de la bibliothèque…
Le bureau a été fabriqué par Alexandre avec une table en pin toute simple, tapissée d’une toile à tableau, qui pourrait être peinte. “Ça crée un effet de matière très agréable.”
Cet espace vide derrière la table et entre les deux niches correspond à l’emplacement de la tête de lit, si cette pièce devait un jour être utilisée comme chambre.
En laiton, deux appliques chinées aux puces de Saint-Ouen, originaires d’un hôtel en Belgique rénové dans les années 70.
Toutes les cimaises de l’appartement ont été redessinées par Alexandre dans la tradition haussmannienne. À droite, la porte donnant sur l’entrée et la cuisine, et à gauche…
… une micro salle d’eau, avec lavabo et douche à l’italienne ! La fenêtre, anciennement murée, refaite sur mesure, offre un vis-à-vis avec la cuisine.
Direction la cuisine. La fenêtre a été refaite avec de superbes huisseries métalliques extrêmement fines sur mesure, et laisse admirer “mon jardin de Babylone, un petit jardin suspendu réalisé avec des plantes d’ombre (lierre, fougères…)” dont on profite également depuis la cuisine.
Un miroir en crédence au-dessus de la plaque, il fallait oser ! “Il ne faut pas avoir peur de le perdre au bout de dix ans. Je n’en mettrais pas chez tout le monde mais c’était adapté à notre usage, on ne cuisine pas trop !” Les angles doux de la table Ikea vintage s’harmonisent à la courbe du mur.
Les caissons basiques type Ikea sont customisés avec des poignées en laiton massif. À gauche de la plaque de cuisson, dans les meubles toute hauteur, sont cachés le lave-linge, le placard petit-déjeuner avec tout l’électroménager qui pollue trop souvent les beaux plans de travail, et la chaudière.
Un robinet Perrin & Rowe en nickel brillant, directement importé de l’Essex en Angleterre, avec sa petite douchette et son distributeur de savon. L’évier, qui vient également d’Angleterre, est garanti à vie : il pèse 50 kg !
Merveille d’équilibre et de simplicité : trois aiguilles de tatouage thaïlandaises chinées à Bangkok, une planche à découper La Trésorerie, un pichet des Pouilles, des tasses, un tirage Magnum.
Retour dans l’entrée, direction la chambre…
Donnant sur une courette ouverte sur la rue, on y retrouve les teintes claires chères à l’architecte, soutenues par le trait noir du radiateur.
Si nécessaire, des persiennes permettent de préserver l’intimité, ici comme dans toutes les pièces de l’appartement.
Le secrétaire mural de Pierre Paulin, accompagné d’une chaise de Colette Gueden trouvée aux puces. Lampe Original BTC.
Direction la deuxième salle de bains, où le parti pris est vraiment “l’air de vacances”, avec son béton blanc au mur, sol et plafond et le nickel brillant pour la robinetterie, plus chaud que du chrome ou de l’acier brossé.
Sur la droite, des rangements de 7 ou 8 cm de profondeur (!) pour ranger crèmes, shampooing, brosse à dents. En face, les mêmes en plus profonds pour le linge de maison, le linge sale… et au-dessus de la porte pour ce qu’on utilise moins souvent (couettes, armoire à médicaments…).
La fenêtre recréée en verre listral (sur le même modèle que dans l’autre salle d’eau) donne sur un puits de jour.
Les adresses les yeux fermés d’Alexandre :
Le marché Paul Bert aux puces de Saint-Ouen : J’y vais tout le temps, pour les luminaires. On a déjà la curation des vendeurs, c’est plus rapide que de traîner sur Leboncoin. Pour les meubles c’est un peu cher… Entre Pte Montmartre et Pte de Clignancourt, 93400 Saint-Ouen
Frédéric Matt : J’y chine tous mes radiateurs anciens ! 80, route de Marcilly, 69380 Lissieu.
Ailleurs : J’adore sa sélection de petits objets pour la maison : on y trouve toujours la bonne carafe, le bon couteau… 17, rue Saint-Nicolas, Paris XIIe.
Photographies : Agathe Tissier
Texte : Edwige Nicot
Réalisation : Alexandre Deshayes