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Le charme du réemploi dans un 60 m² à Paris

Le cocon vertueux et évolutif de Muriel et Lucas
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60 m² Paris, France 80 000 € Industriel 2 pièces Gwendoline Eveillard Architecture

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Sur les photos en ligne du site Leboncoin, l’appartement ne payait pas de mine. Trois clichés sombres, un sol éventré, des murs décrépis. « Heureusement que ma compagne Muriel a eu la motivation d’aller le visiter, parce que moi, j’avais peur que ce soit une perte de temps », se souvient Lucas ! Situé au septième étage d’un immeuble des années 1970 du 20ᵉ arrondissement de la capitale, le logement avait été squatté pendant deux ans après le décès du propriétaire. « Tout avait été enlevé — tapis de sol, parquet, etc. Les murs partaient littéralement en lambeaux ! »

 

Mais ce samedi de mai, le soleil baignait le balcon orienté plein sud, ouvert sur les arbres de la Petite Ceinture et la passerelle de la Mare. « Il a suffi de mettre les pieds sur ce balcon pour se dire qu’on voulait cet appartement », poursuit Lucas. En bas, un chapelet de rails noyés de verdure ; en haut, une promesse : celle d’un cocon urbain à réinventer. Le couple de trentenaires est aussi séduit par un autre détail : le bien avait été légué à La Cimade, association d’aide aux exilés. « C’était plaisant de se dire que l’argent allait servir à une bonne cause. »

 

Muriel et Lucas souhaitaient une rénovation durable, respectueuse et vivante. « On a privilégié un faible impact environnemental, en utilisant des matériaux de seconde main », explique Lucas, chargé de communication dans une association… environnementale. Une amie de Muriel, pédiatre, venait justement de fonder Second Œuvre, une entreprise consacrée à l’économie circulaire dans le bâtiment, qui collaborait déjà avec l’architecte Gwendoline Eveillard — la sœur d’une collègue de Muriel à l’hôpital vers qui le couple avait décidé de se tourner. Le monde est petit !

 

Quand Gwendoline découvre le lieu, le constat est clair :

« L’appartement était dans un état délabré. Mais la structure béton était saine, traversante, avec un balcon généreux et une belle lumière. » Le plan, typique des années 1970, était en revanche trop cloisonné. « L’appartement comptait six pièces pour 60 mètres carrés », sourit Lucas. L’objectif : désencombrer, laisser respirer la lumière, révéler la logique du bâti. « Nous n’avons ni touché au gros œuvre ni déplacé les usages, explique Gwendoline. L’idée était de rester dans une démarche de sobriété, de fonctionnalité et d’économie de moyens. » Le projet s’organise autour d’une approche expérimentale fondée sur le réemploi. Dès la phase d’esquisse, des workshops R&D sont menés avec les clients pour identifier des gisements de matériaux à Paris et en région. « La stratégie d’économie circulaire a reconfiguré toutes les étapes du projet, raconte l’architecte. Le sourcing s’est fait dès le début, collégialement. » Parquet, radiateurs, isolation, plaques de plâtre : tout ce qui peut être récupéré l’est. Pour le reste, l’architecte propose des matériaux bio ou géosourcés. « Ce travail a été à la fois une expérimentation et une démonstration des potentiels et des limites du réemploi. Il a permis de développer une vraie intelligence collective entre les acteurs du projet », souligne-t-elle.

 

Sur le plan spatial, la lumière devient le fil conducteur. L’appartement s’articule désormais en trois zones : l’entrée-cuisine ouverte, la pièce de vie centrale, puis la partie nuit. La structure béton, laissée apparente, rythme l’espace. Plutôt que d’effacer les traces du temps, Gwendoline choisit de les révéler : linteaux bruts, canalisations visibles, enduits imparfaits. « L’idée était de montrer ce qui est là, de considérer que la technicité du lieu participe à son expressivité. Une approche de tabula rasa aurait stérilisé l’espace », explique-t-elle.

 

Le résultat : un intérieur brut, presque industriel, mais traversé d’une lumière douce et mouvante. Aujourd’hui, l’ancien logement délabré s’est transformé en un cocon apaisant. « On est hyper contents du résultat et des idées de Gwendoline. Elle a su valoriser le fait que l’appartement soit traversant, avec une superbe luminosité retrouvée », conclut Lucas. Une métamorphose modeste et exemplaire — celle d’un lieu qui, sans renier son passé, s’invente un futur plus sobre, plus juste, et profondément vivant.