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De la contrainte à la lumière : 30 m² maîtrisés

Entre ruelles et jardins partagés, un 30 mètres carrés délaissé se réinvente, guidé par le trait de Quentin Sommervogel. Dans ce fragment du 20ᵉ arrondissement de la capitale, l’architecte fait de la contrainte un manifeste intime à l’échelle du quotidien.

 

« Je cherchais surtout une belle orientation, une vue et un projet à transformer », raconte Quentin Sommervogel, fondateur de QSA, Quentin Sommervogel Architecture. Lorsqu’il découvre cet appartement, niché au fond d’une cour verdoyante au bout de la rue de Bagnolet, il y voit immédiatement un potentiel. Ancien logement ouvrier du début du XXᵉ siècle, l’endroit garde la mémoire d’un Paris populaire, entre ateliers, entrepôts et maisons partagées. Aujourd’hui encore, la copropriété, riche de jardins et de voisinages mêlés, conserve une ambiance de village.

 

Mais le temps fait parfois mal les choses… Derrière le charme du lieu, l’appartement, lui, en portait les traces. Deux pièces disjointes, reliées par un couloir bancal, un plafond si bas qu’il étouffait la lumière, une kitchenette hors d’âge et, au-dessus, un comble jamais visité.

« Rien n’était exploitable », se souvient l’architecte. Tout a été déposé, des cloisons aux sols, des plafonds à la cheminée, jusqu’à révéler les poutres dissimulées sous le plâtre. Et soudain, là-haut, à près de 3,90 mètres sous faîtage, un espace insoupçonné offre sa promesse de lumière.

 

De ce vide retrouvé, Quentin Sommervogel tire un principe clair : faire naître un volume unique, traversé de clarté, où chaque fonction se glisse avec justesse dans la partie la plus contrainte. La chambre et la salle d’eau se concentrent ainsi au nord et la vie s’étend au sud, sous la pente dénudée. Pour l’architecte, tout se joue dans la mesure : « Plus l’espace est contraint, plus il faut être précis dans la fonction et le dessin. » L’ensemble devient un exercice de rigueur, au service de la lumière et du quotidien.

Avec ses ruelles pavées et ses façades couvertes de verdure, Belleville conserve un parfum de liberté. Ici, le temps s’étire au rythme du quartier.

Adossée au linéaire de cuisine, l’entrée s’esquisse dans un jeu de continuités. Les patères blanches, alignées à même le mur, se fondent dans le décor tandis qu’une étagère prolonge le meuble et définit en douceur le sas d’entrée.

Positionnée dans son prolongement, la cuisine s’étire le long du mur principal avant d’épouser la courbe du noyau d’escalier. Réalisée en MDF hydrofuge laissé brut, elle dévoile un vert mat ponctué de poignées blanches.

Sur le fond vert vif de la crédence, le mat des façades gagne en profondeur et capte la lumière. La table en bois clair s’accorde au tapis bleu qui la souligne, point d’ancrage dans l’espace ouvert du séjour. Tout autour, la clarté glisse sur le pin maritime, amplifiée par les grandes fenêtres et les percées en toiture.

Le séjour est organisé autour du canapé clair et du grand meuble en acajou, reliques familiales intégrées au projet. Au plafond, un tirant métallique peint en jaune souligne la structure et introduit une note graphique dans la sobriété du volume.

Dans cet appartement, Quentin Sommervogel applique à son propre espace les principes qu’il défend dans son travail : optimiser sans contraindre, révéler la structure plutôt que la masquer, et laisser la lumière guider le dessin.

Le linéaire de la cuisine file vers le couloir dans un élan continu de rangements.

L’espace se resserre pour accueillir la salle d’eau. Pensée comme un passage habité, chaque centimètre y est exploité : sanitaires, vasque, dressing et douche se succèdent dans un jeu d’alignements sur mesure.

Au centre, la vasque en inox s’inscrit comme une respiration. Son volume cylindrique dialogue avec le quadrillage beige du grès cérame, adouci par une fine tablette de verre dépoli. L’armoire de toilette en miroir accueille la lumière et multiplie les perspectives.

Au bout du passage, la douche s’encastre dans une alcôve baignée de lumière. Le grès cérame beige s’y prolonge au sol et sur les parois, unifiant l’ensemble dans un contexte clair.

Un escalier ajusté mène à la mezzanine. Son dessin épouse la structure et intègre des rangements dans la continuité du mobilier sur mesure. Les poignées blanches, écho à celles de la cuisine, ponctuent les façades et unifient le projet.

L’escalier conduit à la chambre installée au plus près de la charpente. La poutre maîtresse, conservée et peinte en blanc, structure le volume et dissimule la gaine de ventilation.

Optimisée sous les rampants, l’isolation préserve le volume et la fraîcheur, tandis que la fenêtre de toit prolonge la chambre vers le ciel.

Les adresses « Les yeux fermés » de Quentin Sommervogel :
 
Pour une cuisine « bellevilloise »
MAISON FAITOUT
1 rue Florian, 75020 Paris
Une école de commis de cuisine et un bar restaurant dans un ancien bâtiment SNCF le long de la Petite Ceinture, avec une terrasse et un grand jardin, très agréable !
 
Pour un verre entre « locaux »
OCTAVE
1 place Octave Chanute, 75020 Paris
Épicerie de très bons produits, à l’un des angles de la Campagne à Paris.
 
Pour se cultiver et pour l’architecture du lieu
Faire visiter la Campagne à Paris à ceux qui ne connaissent pas ou l’enchaînement des nombreux squares et places côté rue de Bagnolet (jardin de l’Hospice Debrousse, place Pierre Vaudrey, square Antoine Blondin, rue Saint-Blaise, la Petite Ceinture, etc.).

Bois Cuisine ouverte Inox Mezzanine Puits de lumière Sous les toits

Photographies : Philippe Billard
Texte : Inès Haget

Réalisation : QSA - Quentin Sommervogel Architecture