Une fois n’est pas coutume, le hall de l’immeuble des années 1930 semble très actuel. Les copropriétaires ont demandé à Adrien et Grégory de le remettre au goût du jour. De l’avantage d’avoir des décorateurs dans une copro !
L'appartement d'Adrien et Grégory, les fondateurs d'Atelier Marius C’est en décorant qu’on devient décorateur. Cette transposition du célèbre adage s’applique très bien à la démarche d’Adrien & Grégory, le couple fondateur d’Atelier Marius. Tout commence il y a quelques années, quand Adrien emménage chez Grégory dans son appartement de Colombes. Il travaille à la célèbre librairie Taschen de la rue de Buci, prisée des professionnels de l’image. Il débarque chez son compagnon avec une immense collection de livres. Comme ils prennent beaucoup de place et que la ville lui plaît, ils achètent ensemble un trois-pièces dans une zone pavillonnaire pleine de charme avec ses maisons du XIXème et du début du XXème siècle. L’appartement est situé en haut de l'un des rares immeubles du quartier. Traversant, il leur offre une vue sans aucun vis-à-vis sur un coin de ville qui se transforme en parc aux beaux jours. Tous deux ont une fibre créative et ils sont passionnés d’architecture et de décoration. Plutôt que de demander de l’aide à des professionnels, ils prennent le risque d’utiliser leur appartement comme un terrain de jeu pour se faire la main. Quand nous leur rendons visite, l’appartement en est à sa 3ème mouture. Comme dit Grégory « Quand on fait les choses soi-même, on met plus facilement en œuvre ses nouvelles inspirations ». Dès leur arrivée, ils ouvrent l’appartement en créant un grand double-séjour car ils adorent recevoir. Ils revoient aussi la circulation en la rendant plus efficiente. Dans cette nouvelle version, Adrien et Grégory ont décliné des codes pour créer une continuité douce : différents degrés de vert dans les pièces, des touches de laiton et des meubles dans des teintes sombres. Sans oublier la pièce maîtresse : la magnifique bibliothèque sur-mesure dessinée par Grégory pour accueillir la collection de livres d’Adrien.
Les amis qu’ils reçoivent après le premier confinement sont séduits et les poussent à faire quelque chose de leur réalisation. C’est le déclic. Ils décident d’ouvrir leur agence et la baptisent du nom de leur adorable Beagle, Marius, le roi de l’appartement. Ils viennent d’ailleurs de livrer un duplex de 70 m² dans le 18ème à Paris.
La période actuelle pousse chacun à réfléchir à ses aspirations profondes. Adrien et Grégory semblent avoir pris un peu d’avance. Et si leur passion de couple devenait leur nouveau métier ?
Nous voici dans l’entrée, traitée comme une boîte noire avec des murs gris anthracite. L’idée est de créer un sas intime qui immerge les visiteurs dans l’ambiance de l’appartement. Une ambiance pleine de surprises comme le montrent les portes du dressing habillées d’un magnifique tissu tapissier haut en couleurs. Le dressing a été judicieusement installé dans le volume du couloir.
Sur notre droite, la cuisine. Le sol a été recouvert de carreaux de ciment, en vogue dans les cuisines des années 1930. Aucun meuble haut, mais une discrète étagère filante. L’idée est d’alléger la vue depuis le salon quand la porte est ouverte. Plutôt qu’une cuisine, on a l’impression de voir un buffet bas plaqué contre un mur.
Nous passons du côté salon. Entre les deux espaces du séjour, un impressionnant miroir Louis-Philippe, peint en noir. Il crée un effet de profondeur dans la largeur de la pièce. Il est surmonté par l’applique Smile par Jordi Busquets.
Le canapé de chez Habitat, avec la salle à manger dans le prolongement. Sur le cheminée, un petit miroir Louis-Philippe, dont le cadre, peint dans une couleur terre, est le seul vestige de l’ancienne teinte du mur de la pièce.
Au dessus de la table à manger, une très belle applique déportée de la designer Celine Wright toute en légèreté. Son travail a tapé dans l’oeil d’Adrien qui l’a repérée dans un petit restaurant du quartier de la librairie Taschen dans le 6ème arrondissement de Paris. Avec sa structure en laiton, son cordon noir et son globe en papier légèrement crème, elle diffuse une douce lumière sur les repas.
Demi tour vers le salon dans son ensemble. Nous découvrons sa pièce maîtresse, l’impressionnante bibliothèque suspendue dessinée par Grégory et sa collection de beaux-livres. Un véritable challenge de designer. Avec sa taille et l’importance de la collection qu’elle accueille, elle évite l’aspect massif. Grégory a voulu créer une impression de meuble haut et de meuble bas séparés par un espace d’exposition. Tous les montants verticaux des rayonnages ont été retirés pour accentuer l’impression de légèreté. Un défi relevé par les menuisiers “Les Alpinistes” à Clichy. Ils ont parfaitement respecté le dessin original, conçu pour accueillir des livres hors normes. Afin que l’ensemble tienne, chaque étagère est constituée de plusieurs éléments imbriqués. Ils répartissent les charges tout en conservant la linéarité. L’ensemble a été peint par Adrien et Grégory.
Cette bibliothèque est vivante mais elle ne bouge pas d’un pouce après 10 mois de pleine charge ! Elle évolue au gré des arrivées de livres d’Adrien. Lui même est consulté par des décorateurs et des particuliers pour son expertise en “staging” de bibliothèques. Il lui arrive même de créer des sélections de livres selon la couleur de leurs tranches pour un effet dès plus graphiques !
Accessoire indispensable à toute bibliothèque qui se respecte, l’échelle. À moins qu’elle serve aux peintres ! Car Grégory et Adrien nous ont confessé que le superbe meuble allait peut-être changer de couleur. En attendant que son affectation se précise, l’échelle sert de structure déco. Dans son prolongement, le passage vers la chambre dans le morceau de couloir condamné, astucieusement aménagé en espace bureau.
Tandis que Marius nous conduit vers la salle de bains, nous remarquons le célèbre papier peint Hicks Hexagon de chez Cole and Son, dont les tons noir et or s’accordent parfaitement avec la direction artistique de l’appartement.
Le lit est encadré de rideaux signés Atelier Marius qui masquent le dressing et bordent la fenêtre. Avec les chutes de tissu, Adrien a réalisé des coussins qui achèvent de donner une belle cohérence à l’ensemble. La tête de lit, en board and batten, se fond dans la masse du mur peint avec la teinte Pigeon de chez Farrow and Ball.
Nous terminons par la cour intérieure de l’immeuble qui a aussi bénéficié de l’intervention d’Adrien et Grégory avec la bénédiction et l’aide active des co-propriétaires. À la faveur du premier confinement elle a été aménagée en véritable espace de vie. Désormais, quand il fait beau, il n’est pas rare que des habitants en télétravail s’y retrouvent avec leurs plateaux pour le déjeuner. Ou en rentrant du travail pour l’apéritif. Grégory et Adrien le constatent, à défaut d’avoir une sociabilité habituelle, la communauté des voisins joue à plein et réussit à compenser le manque de lien du moment. D’ailleurs, avec le retour des beaux jours, ils ont tous déjà prévu de poursuivre le travail de végétalisation. Et il y aurait quelques anniversaires en préparation. Mais chut, c’est une surprise !
Photographies : Fabienne Delafraye, www.fabiennedelafraye.com
Texte : Jean Desportes
Réalisation : Atelier Marius, https://www.ateliermarius.com/