Dès l’entrée, les codes haussmanniens sont visibles avec la cimaise à corniche et les panneaux moulurés.
L'appartement au classicisme très contemporain de David et Ambroise.
Plus la vision est précise, plus l’exécution demande exigence, temps et détermination. C’est l’expérience qu’ont fait David et Ambroise pour leur premier appartement. Mais ils ne regrettent pas. Car une vision précise, c’est aussi le gage d’une satisfaction durable. Rien de surprenant pour ces deux amoureux du beau. Ambroise est visual merchandiser chez Louis Vuitton et David responsable commercial monde chez Dior pour la haute joaillerie et la haute horlogerie. Autant dire que le sens du détail fait partie de leur nature.
Dites-vous qu’ils ont visité 48 appartements avant de trouver celui qui correspondait à ce qu’ils cherchaient, aux moodboards qu’ils ont créés à deux exprimant ce qu’ils voulaient. Un appartement de caractère, d’écriture haussmannienne, avec de beaux volumes, des attributs de qualité, de la lumière et une circulation fluide.
Car après avoir loué un 40 m² sous les toits dans le Marais, vers Saint-Paul, ils s’étaient lassés de l’esprit « chaumière rustique » avec son plan biscornu, ses murs pas droits et ses poutres apparentes qui prennent beaucoup de place visuellement. Mais s’ils adorent le quartier, force est de constater que la plupart des appartements qu’ils visitent dans ses environs déclinent à l’envi ces attributs « vieux Paris » certainement charmants pour les touristes mais pas pour eux. Et puis un jour David m’envoie l’annonce pour cet appart dans le 17. Moi, j’étais pas chaud pour le 17 avec la Fourche sur la ligne 13, je trouvais pas ça pratique pour bouger. Mais je dis ok, on visite. Car sur les photos, il y avait de grandes fenêtres, un grand couloir. On est arrivé dans l’appart, on s’est tout de suite projeté. 3 cheminées, des fenêtres d’origine, du parquet… énumère Ambroise. Et il y avait un dressing en plus ! ajoute David. On avait pas mal d’amis qui nous ont dit les Épinettes, les Batignolles, c’est cool vous verrez. On s’est débrouillés pour le visiter en premier. Et comme il y avait 20 visites programmées dans la journée, on a fait une offre sur le champ.
Commence alors le temps du chantier. Mon père qui est architecte nous a fait le plan. Et ensuite il nous a lâché dans le grand bain, sauf pour les trucs très techniques. On a pris un maître d’œuvre et on a fait le suivi de chantier à deux. C’était passionnant, affirme Ambroise. L’idée, c’était de valoriser tous les éléments de cachet de l’appart. Ensuite pour la déco, on voulait travailler ça comme une suite. 55 m², c’est globalement une suite, explique David. Donc on a poussé l’identité du lieu, tout ce qui est haussmannien, mais en rajoutant une touche moderne, avec des pièces de design. On voulait aussi donner une dimension très "masculine" à l’appart. En évitant tous ces trucs de mags féminins à bouclettes qu'on voit un peu trop en ce moment. On cherchait aussi quelque chose d'intemporel, donc un peu froid, précise Ambroise.
Résultat, ils sont très heureux. Et passé le léger stress de s’éloigner du centre, ils n’y voient que des avantages aujourd’hui. On a découvert en vivant dans notre immeuble qu’il y a une vraie vie. Il y a des familles, des personnes âgées, des ados, des enfants, explique Ambroise. À Saint-Paul, on n’avait pas de voisins. On avait des touristes. On avait souvent l’impression de vivre seuls dans un immeuble vide à cause de tous les airbnb, complète David. Nous sommes tous les deux bordelais. On a bougé à Paris pour le boulot. On sait qu’il y a des bordelais qui se plaignent de l’arrivée des parisiens, mais l’inverse n’est pas vraie. Paris est une ville accueillante. C’est très drôle ! Bref, on voulait retrouver une vie de quartier. On rentre dans la cour, les oiseaux chantent, on entend des voix d’enfants. On se sent entourés. La ville nous paraît moins hostile, ajoute Ambroise.
Découvrons ensemble leur superbe réalisation, d’un classicisme très contemporain.
Avec sa double porte donnant sur le couloir, la chambre est aussi ouverte sur le séjour. Cela fait partie de l’esprit “suite” voulu par David et Ambroise. Un grand volume, avec des délimitations bien sûr mais une circulation très fluide. L’appareillage haussmannien laissé blanc (moulures, soubassement, mais aussi cheminée à trumeau) confère une élégance appaisante à l’espace. Au plafond, on remarque une très belle suspension double chez Zangra.
Côté chevet, on remarque le goût des propriétaires pour les lignes fluides et les belles pièces de design qu’on retrouve dans l’ensemble de l’appartement. C’est un tabouret Roman de chez Serax qui fait office de table de chevet, il est surmonté d’une superbe lampe chinée dessinée par Boccato & Gigante.
De retour dans l’entrée, nous nous dirigeons vers la cuisine. On est reparti de zéro. Sauf pour le vieux carrelage que nous avons même complété. Il est caractéristique des cuisines haussmaniennes. Résultat, nos amis nous disent qu’il fait vieux et ne comprennent pas pourquoi nous ne l’avons pas remplacé. Il y a des choses qu’ils ne comprendront jamais.
On voulait faire un plan de travail linéaire en rattrapant le conduit de cheminée. La pièce était très sombre de base. Donc la faiblesse de la pièce devait en faire sa force. Alors on a poussé à fond. On a gardé le sol en tommettes, et c’est son rouge qui a inspiré la couleur des murs. On aime le contraste avec le côté noir.
Nous voici face à la première cheminée du séjour qui était séparé en deux pièces distinctes à l’origine. Elle est surmontée d’une importante glace trumeau qui opère un jeu de profondeur avec son homologue placé sur la cheminée du salon. Disparus à l’origine, les miroirs trumeau ont été scrupuleusement recréés par David et Ambroise. Au premier plan, une table USM entourée de chaises Cesca de Marcel Breuer édités chez KNOLL et éclairée par la suspension IC S1 chez Flos.
La salle à manger dans la largeur. Faisant la transition entre le salon et la salle à manger, une enfilade Habitat sur laquelle se déploie gracieusement une lampe “Feuille” de Tommaso Barbi. On adore les luminaires italiens. Pas mal de pièces viennent de la boutique de ma mère qui est antiquaire, explique Ambroise. On la briefe et elle trouve. On va souvent aux Puces pour s’inspirer. On a des choses que tout le monde a, et qui sont des incontournables, mais on compense avec des objets moins vus. On a créé cette passion commune de la chine.
Comme un écho à la végétation luxuriante du tableau de Max Ducos, l’abat-jour feuille de la superbe lampe italienne de Tommaso Barbi.
Le séjour dans la profondeur. La pièce est assez longue et étroite. On voulait faire quelque chose qui dégage une certaine ampleur avec un canapé central. On a vachement bossé les proportions. On avait peur d’avoir des choses trop imposantes ou, au contraire, trop petites. Je mesure tout, c’est mon obsession. Ambroise me prend pour un fou. Mais ce qui compte, c’est l’équilibre.
Au plafond, on admire la très belle suspension Ella de chez Marchetti. Et à gauche, le lampadaire Snowball de Northem, qui complète le subtil jeu de globes présent dans la pièce.
De part et d’autre de la cheminée, un diptyque abstrait peint par Ambroise. Je ne suis pas aussi artiste que mon frère, mais j’aime la peinture. Durant le premier confinement, je m’ennuyais alors j’ai ressorti mes pinceaux. On cherchait à habiller le mur du fond mais de façon sobre. Comme dans ces hôtels qui intègrent de l’art dans une approche déco.
Nous nous rapprochons de la cheminée pour admirer le dyptique d’Ambroise de part et d’autre de la grande glace trumeau qui participe à la sensation de profondeur du séjour. Sur la tablette de la cheminée, une lampe Nesso par Artemide. Au premier plan, une table vintage chinée par les deux propriétaires.
Sur notre gauche, la porte menant à l’étonnant dressing-buanderie. On ne savait pas où mettre le lave-linge. Mais certainement pas dans la salle de bain. On l’a donc installé dans le dressing en l’équipant d’une arrivée d’eau et d’une évacuation. Au fond, la salle de bain se dévoile avec sa faïence blanche et son carrelage comme un tapis.
Esprit suite oblige, la salle de bain s’inscrit dans une inspiration hôtelière, typée new-yorkaise. On a retravaillé un tapis et un damier au sol en noir et blanc. La robinetterie est anglaise. Notre maître d’oeuvre nous a maudit car l’écartement est différent des normes en vigueur dans l’UE. Mais on voulait absolument ça ! J’étais derrière lui à tout mesurer, car le père d’Ambroise avait posé la même dans leur maison du bassin d’Arcachon, mais sans anticiper. Du coup, quand les robinets sont arrivés, ils ont dû péter le mur, enlever toutes les mosaïques… c’était chaud !
Photographies : Agathe Tissier-Dumont http://agathetissier.com/
Texte : Jean Desportes
Réalisation : David Joffre et Ambroise Ducos