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Rencontre avec Herah, studio de design en objets de collection
Herah, le brut et le précieux
De la lampe à poser brutaliste aux boutons de portes en laiton tourné ornés de jetons de pierres semi-précieuses, du béton moulé aux accessoires travaillés comme des bijoux, Herah, c’est un univers tourné vers l’intérieur, fruit de la rencontre de deux passionnés de design et de fabrication.
« En juillet 2018, il m’a dit : “Dès que tu es prêt, on monte un truc.” J’étais prêt tout de suite. »
C’est une histoire d’amitié. Et d’entreprenariat aussi. C’est-à-dire de ténacité. Notamment quand, machines achetées, atelier construit, boutique lancée, deux semaines après l’ouverture, c’est le deuxième confinement. Donc la fermeture. Pas de quoi décourager ces enthousiastes convaincus que la qualité paye toujours. Parce qu’elle se remarque.
« Notre intérêt, il est plus dans la fabrication de l’objet que dans le fait que les gens sachent qu’on sait faire des objets. »
Même à l’écart des réseaux sociaux. Ils nous parlent d’une génération qui se branche d’abord sur ses envies et qui, loin des schémas ou des tendances dans lesquelles on voudrait l’enfermer, s’affranchit des diktats du temps. Pour prendre son temps justement. Le temps de l’intériorité nécessaire à la maturation d’une belle idée, par la réflexion et par le geste. Car ils savent qu’il est inutile de séparer l’intelligence et la main. Et que de toute matière, même la plus brute, un bijou peut naître à condition d’adresse, de cœur et de soin. Bienvenue en Picardie, dans l’atelier caché de Louis et Quentin.
Louis et Quentin, devant la porte de leur atelier.
« On est chez mes parents. Mon père est clairement un bâtisseur.»
« Herah, c’est comme pour Hergé le dessinateur, Georges Remi. Herah, c’est pareil. R pour Ravasse, qu’on a écrit “Her”, et A pour Ainesi, qu’on a écrit “ah”. On a beaucoup bossé sur le logo et on aimait beaucoup la symétrie des H. »
« On se fait des sessions de deux-trois jours à l’atelier. Pour abattre un cycle de production. Et tous les jours, on a la même routine. »
« Taille de pierre, du bloc jusqu’au jeton, du bloc au cabochon. On coule le béton là-bas, on fabrique toutes les matrices, donc on fait tout ce qui est lampe. Et on sous-traite la partie verrerie et la partie tournage du métal. »
« J’ai grandi dans les ventes aux enchères. On achète des trucs et tout trouve sa place un jour ou l’autre. »
« On fait du feu, mais en l’occurrence, il y a quatre mètres sous plafond, donc en hiver, la cuisinière, elle est là pour te réchauffer les doigts. »
« Dans cet atelier, on peut tout faire. On a des machines pour tailler le bois, tailler le métal, souder, il y a un four à verre. »
Louis à la cabochonneuse affine la surface d’une pierre qu’il est en train de tailler sur une bande d’un grain de 800.
Louis à la flamme. C’est une lampe à alcool qui permet de faire fondre le « ciment », une sorte de cire qui fixe une pierre brute sur un manche, un dop, afin de pouvoir la tailler. La pierre est donc fixée avant la taille et décollée après la taille.
« Avec Quentin, on ne se parle pas à l’atelier. Mais si l’un de nous a besoin d’un coup de main, l’autre vient le voir. Il y a une vraie synergie. »
« Notre façon de travailler avec la pierre est pertinente parce que le petit truc lambda devient l’objet précieux d’un appartement. »
« Demain, si on nous demande une patine particulière, on la fera. Un bouton de porte serti de saphir, on le fera. Du laiton ? De l’aluminium ? Pas de problème. Quarante-cinq boutons de portes pour un dressing à New York ? On l’a déjà fait. »
« Les pierres sont achetées au salon des minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines, dans les Vosges. C’est le troisième plus grand salon mondial de pierres. »
« Ce qu’on cherche, ce sont des spécimens. Des pierres un peu atypiques. On n’a pas besoin de stocks. »
« Quentin fait tout ce qui est béton. Toute la partie conception de moules, ça vient de son expérience de maquettiste. Nous avons adapté la technique de fabrication de moules en silicone à nos besoins. »
« L’intelligence de la main, ça nous parle. L’opposition entre le manuel et le cérébral, ça n’a aucun sens en réalité. »
« Quentin fait son mélange en proportion béton et pigment, il homogénéise le mélange avant d’y incorporer de l’eau. On appelle ça “béton”, mais il s’agit en réalité de mortier fibré. »