LES STADES, DU CŒUR DES VILLES À LEUR PÉRIPHÉRIE
Rome, fin du Ier siècle après J.-C. En plein cœur de la cité, sur les ruines du Champ de Mars détruit par un incendie, l’empereur Domitien fait construire un stade immense, d’une capacité de 30 000 places et à la façade imposante, qu’il souhaite consacrer aux compétitions athlétiques grecques telles que la course, le saut ou le lancer de disque. Une décision politique que, comme le souligne l’architecte Dimitri Roussel (lire aussi notre entretien ci-après), l’on n’imagine plus aujourd’hui. « Dans l’Antiquité, le sport avait une place centrale dans les villes. Le Colisée, les thermes de Caracalla… Aujourd’hui, ces grands équipements publics en sont sortis, il n’y a qu’à voir le Stade de France ! » observe le fondateur de l’agence Dream. Un constat malheureusement valable à la fois pour le sport spectacle et pour la pratique institutionnalisée du sport telle qu’elle est organisée depuis les années 1960. Retour plus de soixante ans en arrière, car, à l’origine de la politique sportive en France, il y a d’abord un échec cuisant. Jeux olympiques de Londres, 1958 : les athlètes français ne rapportent que cinq médailles, dont aucune en or, provoquant l’ire du général de Gaulle. « [La France] doit aussi rayonner par ses sportifs », sermonne-t-il alors. C’est le début d’un vaste programme de démocratisation du sport, dont la figure de proue est le gymnase multisport. De 1961 à 1975, 4 000 gymnases, 1 500 piscines et 8 000 terrains de sport sont bâtis, le plus souvent en périphérie des villes, à cause de la pression financière. Pourtant, « le sport a une grande résilience, et s’invite dans la ville malgré elle, par la petite porte », pointe Dimitri Roussel. Un constat partagé par le sociologue Thomas Riffaud : « On sous-estime le nombre de personnes qui font du sport dans l’espace public, car les gens ne fréquentent pas que les équipements. Pour des raisons de praticité, de non-conformité des équipements, ou encore, en ce qui concerne le public féminin, parce que ces équipements sont monopolisés par les hommes, beaucoup de sportifs et sportives préfèrent s’exercer dans la rue. »
« Le sport a une
grande résilience
et s’invite dans
la ville malgré elle,
par la petite porte. »
Photographie : La nef du CENTQUATRE-PARIS © Quentin CHEVRIER


