Concevoir une maison la plus petite possible, minimale mais pratique, c’est un peu le fantasme de tout architecte. Réponse à l’idéal d’une vie dépourvue d’artifice, elle trouve ses origines dans le mythe du tonneau de Diogène, ce philosophe-mendiant vivant dans le dénuement le plus total pour laisser place à la seule pensée. Ou encore dans le Walden d’Henry David Thoreau, relatant deux années de sa vie passées dans une cabane au bord d’un étang. Cet hymne d’un retour à la nature, publié en 1854, résonne encore aujourd’hui, tant le questionnement sur le sens d’une vie frénétique a été intensifié par une pandémie mondiale et une planète sur laquelle nous pesons trop lourd. Exit le faste des McMansions, les mètres carrés inutiles, les maisons secondaires vides qui coûtent une fortune à entretenir. Retour aux fondamentaux et aux besoins de base. Du moins le temps des vacances ou pour des périodes de travail tranquille, au vert. Loin de la foule déchaînée, hors connexion. Pour une reconnexion.
Le premier des starchitects, Le Corbusier lui-même, s’est livré au début des années 1950 à cet exercice de style. Son cabanon de 16 mètres carrés, situé à Roquebrune-Cap-Martin près de Nice, a inauguré une longue lignée de micro-architectures, ayant recours à la préfabrication et le plus souvent, comme il l’avait envisagé, reproductibles à une échelle industrielle pour en faire bénéficier le plus grand nombre. Comme nous le rappelle Tim Benton dans notre entretien, Le Corbusier revendiquait cet héritage diogénique et avait choisi de barder son cabanon de dosses, des chutes de sciage d’aspect rustique évoquant plutôt l’imaginaire canadien de la cabane en rondins qu’une villégiature sur la côte méditerranéenne. Une simplicité apparente quand on sait le degré d’élaboration qu’a demandé la conception de cette cellule de vie basique. Et lorsque près de sept décennies plus tard, Anseau Delassalle lance son concept Novablok, il réinterprète certes la compacité du cabanon corbuséen mais y ajoute une relation à l’extérieur privilégiée, propice à la contemplation, même sous des latitudes jouissant moins des faveurs d’un soleil radieux.
Petite maison, cabane, tiny house, folie… Quel que soit son nom, son minimalisme et sa frugalité enchantent nos rêves, des rêves accessibles, au point de se demander pourquoi, finalement, on n’y vivrait pas toute l’année. Tels des Thoreau modernes ?
Le cabanon de Le Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin
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