Guilaine d’Harcourt, architecte d’intérieur, a adoré ce chantier : “Une aventure à la fois technique, esthétique et humaine !”
Comme une maison lumineuse en plein Paris
"Il a fallu plusieurs visites et beaucoup de persuasion pour convaincre Cécile, ma cliente, de franchir le pas ! Mais j’ai tout de suite vu le potentiel de cet appartement : le charme de l’ancien, un emplacement idéal sur une longue et large impasse pavée et fleurie du 9e arrondissement, en rez-de-chaussée et 1er étage… il y avait tout pour en faire un petit bijou, c’était une pépite." Ainsi s'enthousiasme Guilaine d'Harcourt, architecte d'intérieur, qui a su projeter dans cet espace initial sombre et mal agencé la future petite "maison" calme, cosy et pleine de clarté qui ferait le bonheur de Cécile, de ses deux enfants, Roman et Garance… et de leur chat, Snow.
"Le cahier des charges était complexe et le challenge ambitieux. Cela a demandé beaucoup d’agilité, de perspicacité : mais rien ne m’arrête, c'est tout ce que j’aime !" Un des défis du projet, et pas des moindres, était de créer 3 chambres lumineuses et suffisamment spacieuses pour que chacun ait son espace privé, tout en conservant une belle surface commune afin de préserver la vie de famille et les soirées entre amis. Guilaine doit donc tout réagencer. Elle commence par inverser les espaces : l’ancienne entrée, située au rez-de-chaussée de l’immeuble et qui donnait alors dans une cuisine, est condamnée. L’accès à l’appartement se fait désormais par la double porte palière du 1er étage. "Il a fallu démolir une partie de l’appartement pour repartir de zéro. Rien n'aurait été possible sans cette confiance incroyable qui s’est établie avec l’entreprise avec laquelle je travaille au quotidien. Je me repose entièrement sur elle et son responsable, Oskar, pour la partie technique du chantier. On avance ensemble, on discute, on ajuste et on affine. Ils nous ont accompagné pour les mises au point des détails et proposé des solutions techniques. L’exécution est soignée et de grande qualité !" Un petit couloir est créé, qui dessert l’espace des enfants (2 chambres et une salle d'eau), les toilettes et la pièce de vie (cuisine, salon). "Nous souhaitions que la cuisine s’inscrive dans le salon. Nous avons pris le parti de nous passer de meubles de rangements hauts pour privilégier l’espace et la présence d’illustrations qui invitent au voyage." La suite parentale de 14 m² trouve sa place au rez-de-chaussée.
Le budget ne permettant pas de folies, les matériaux sont simples, contemporains mais choisis avec soin. Une grande attention est portée aux finitions : poignées des portes et fenêtres en porcelaine, suspensions et appliques fixées sur des rosaces en céramique, interrupteurs ronds, poignées de placard tout en finesse…
Le mobilier mélange les genres, trouvailles choisies au coup de cœur, chinées, ou pièces de designers. Il faut dire que Cécile, graphiste free-lance, est une collectionneuse. Elle aime les pièces de design iconiques, la photographie, les voyages, mixe les styles, les histoires. Peu importent les inspirations, elle se laisse surprendre, s’amuse, mêle humour et fantaisie. Les époques se marient dans un joyeux éclectisme, créant un univers unique et très personnel. Guilaine, de son côté, déniche le beau meuble de métier vert d'eau qui trône dans la pièce de vie. "J'ai pensé qu'il pourrait donner du cachet à la pièce et faire le lien entre la cuisine et le salon." Proposition vite validée par Cécile…
Pour révéler les couleurs, les formes et donner une place à chacun de ces objets, meubles, photos… le fil conducteur du projet a été de concevoir un écrin blanc, lumineux du sol au plafond (hormis l’entrée et les toilettes, lieux de passage).
"Avec Cécile, nous avons été au bout de ce que nous avions imaginé lors de la conception : c’est une belle histoire et une collaboration enrichissante. Aucun détail n’a été laissé au hasard. C’est un vrai bonheur de travailler avec autant de connivence, chacun apportant sa compétence, son regard et sa pierre à l’édifice."
“Dessinée au chausse-pied“, l’entrée, conçue comme une petite boîte volontairement sombre, dessert les différents espaces de l’étage. Le vert “laurier-sauce” fait disparaître la forêt de portes et rappelle l’environnement végétal de l’appartement. Par quelle porte commencer ? Laissons-nous guider par la lumière…
Ouvrons une autre porte… Voici les toilettes, imaginées dans les mêmes tons vert sourd que l’entrée. La suspension en verre transparent, aux lignes épurées et voluptueuses, s’inspire des lampes utilisées dans les universités anglaises des années 20 (Zangra).
Carreaux vert australien Winckelmans. Photographies de l’agence Magnum.
La chambre de Garance, bientôt 8 ans, mêle vintage et pièces de design. Les meubles et objets ont été chinés au gré des dimanches chez des amis, dans le Gâtinais, ou lors de voyages. L’armoire parisienne a été peinte dans le même coloris que l’entrée.
Bureau scandinave années 50, chaise Panton enfant, lampe de bureau Jieldé.
La cuisine aux lignes épurées affiche en toute modestie le rose poudré de ses portes Plum, sur lesquelles on devine l’ombre à peine perceptible de fines poignées. Le banc menuisé dessiné sur mesure offre un espace convivial pour les moments de partage chers à la famille, qui aime inviter. Suspension en tôle émaillée esprit années 30.
Le choix de ne pas accrocher de meubles hauts, afin d’intégrer plus aisément la cuisine dans le salon, a permis d’exposer au-dessus de la crédence en carrelage blanc mat des objets coups de cœur : illustrations, menus, souvenirs de lieux et de moments passés lors de voyages et de rencontres.
Appliques Loft de Jieldé.
Le choix du laiton pour l’évier et la robinetterie s’est imposé afin d’insuffler un côté chic et moderne, avec une petite touche rétro. Raccord avec la couleur des portes, un charmant service à thé Colette rose poudré et rouge, de la manufacture de Digoin, trouvé sur Le bon coin. Illustration de Madeline Peirsman (à gauche).
Côté salon, les lignes sont épurées pour laisser pénétrer la lumière. Design, graphisme, photographie, littérature… autant d’univers, d’époques, de voyages qui se répondent sur les étagères des niches murales. Une profusion accentuée par le grand miroir central dans lequel se reflètent les étagères de la cuisine !
Ici se mêlent sans distinction mobiliers iconiques et objets chinés. De vieux tabourets tripodes avec pieds en sabot de cerf côtoient sans complexe des pièces signées des années 50 comme la chaise à bascule RAR de Charles & Ray Eames, ou la chaise longue de Jean Prouvé, en contreplaqué et acier tubulaire.
L’ouverture sur la chambre de Garance offre une double exposition au salon, qui est ainsi baigné de lumière. La propriétaire aime mêler avec humour et fantaisie des objets sans jamais se soucier du beau : “C’est dans ces mélanges que la magie de la beauté peut arriver.”
Photographies de Louis Stettner, photographe virtuose américain, ami de Brassaï.
Tabouret nain Attila de chez Kartell.
Lampe d’atelier liseuse 4 bras de Jieldé.
Retournons-nous vers la salle à manger et ses tables bistrot Thonet à piètements en fonte des années 50. Les chaises Eames DSW donnent un petit esprit scandinave à cet espace. Mais que se cache-t-il derrière ces étagères, à gauche ?
Voici la cerise sur le gâteau… enfin, sous le gâteau en l’occurrence ! La chambre, où l’on accède grâce à un charmant escalier semi-hélicoïdal, se situe en effet au rez-de-chaussée. L’escalier d’origine, en bois et fer sombres, a été repeint en blanc pour plus de légèreté. Là encore, chaque objet raconte une histoire, évoque un voyage, insuffle un ailleurs : Venise, l’univers de Lynch, une photo de palmier de Miami.
La fille aurait-elle pris exemple sur la mère ? À moins que ce ne soit l’inverse ? Ce mannequin buste couture Napoléon III à taille de guêpe fait écho au mannequin Cléo de Garance. Le mur, habillé en partie basse d’un placage en bois clair, finition bouleau, réchauffe la pièce et lui donne un esprit contemporain et scandinave…
Photographies : Juan Jerez
Texte : Edwige Nicot
Réalisation : Guilaine d'Harcourt