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63 m² entre vintage et modernité

Éloge de la simplicité à la Butte-aux-Cailles "Je porte une attention particulière au réemploi des richesses existantes (matériaux, mobilier vintage). Nous étions totalement raccord sur ce point avec mes clients, un couple et leur benjamine, Castille", explique l'architecte d'intérieur Lucie Socrate.

Les mots d’ordre du brief seront donc : simplicité, ingéniosité et réemploi.

"Les clients ne sont pas du genre à marcher en chaussons chez eux, ni à passer un coup de chiffon dès que quelque chose est posé quelque part." Ils souhaitent un appartement à vivre, sans chichi, d'une ambiance sobre mais qui soit personnelle. "Je suis heureuse d'avoir réussi à les amener vers un peu de couleur, des couleurs softs, certes, mais loin du total look blanc aseptisé."

Pour apporter toutes les fonctionnalités d'un espace familial tout en contenant le budget, du standard Ikea est marié à des agencements sur mesure, les circulations sont repensées tout en conservant au maximum le cloisonnement existant…

Afin de limiter l’impact sur les ressources et aussi donner à cet appartement un air de « j’ai toujours existé », mobilier, luminaires, miroirs… ont été chinés au maximum. "On a cadré l’ambiance globale, les couleurs, les matières, et bien sûr les dimensions… puis on a lancé la recherche à plusieurs. Une vraie chasse au trésor. Tout a été passé au crible pour arriver à la sélection finale." Quelques pièces que les clients avaient pu garder de leur vie d'avant ont également trouvé leur place, et les choix ont été orientés vers des matériaux intemporels et faciles à entretenir, qui dureront dans le temps en qualité et en style. "J’aime par ailleurs travailler la continuité des sols des pièces techniques (cuisine, w.-c., salle de bains), et ce pour deux raisons : créer une harmonie, mais également limiter les chutes de carrelage et donc le gaspillage. Pour les mêmes raisons, la douche maçonnée revêt ici le même carrelage que la crédence de cuisine."

Au niveau du plan, les deux principaux défis étaient la cuisine et la chambre de Castille.

"L’ancienne cuisine couloir a laissé place à une cuisine compacte en U… qui défie toutes les bonnes pratiques de l’agencement ! Cette configuration a toutefois pour vertu de maximiser le plan de travail. Mais avec ses deux angles et ses dimensions réduites, impossible d'y glisser un tiroir (sauf sous le four). Il a donc fallu trouver une ruse pour les couverts… J’avais décelé chez la cliente un amour pour les jolis pots, j’ai donc imaginé que si elle avait la place pour en disposer sur le plan de travail, la famille pourrait y ranger ses couverts. On en a trouvé chez Emmaus."

Pour la chambre de Castille, il s'agissait de créer comme un petit appartement dans l'appartement, pour accueillir ses amies et amis en toute indépendance. "Castille avait plein d'idées en tête pour l’ambiance de sa chambre. Il a fallu user d’astuces pour l’amener dans une direction qui s'harmonise avec le reste de l’appartement tout en restant un terrain d’expression pour elle. Ainsi, les portes du dressing sont blanches pour lui permettre de les décorer en laissant libre cours à sa créativité."

"Finalement, les propriétaires m’ont donné toute leur confiance et beaucoup d’autonomie tout au long du projet. C’était un réel plaisir. À la fin, la cliente m'a confié avec humour : « Maintenant, j’ai un appart avec lequel je peux crâner ! »"

Lucie Socrate, ravie de ce chantier inaugurant sa nouvelle vie d’architecte d’intérieur.

© Céline Leduc

La très belle façade XIXe des architectes A. et P. Barigny, caressée par le soleil levant, invite à la découverte.

Dès le seuil franchi, le ton est donné. Des couleurs douces, du bois pour réchauffer le blanc des murs, des textures différentes pour rythmer l’espace, des touches de doré ici et là et des pépites vintage disséminées dans toutes les pièces. Les portes à tasseaux en chêne du dressing réalisé sur mesure définissent l’entrée, créée en empiétant sur l’ancienne cuisine tout en longueur.

Le miroir anglais vintage en teck (judicieusement placé pour jeter un ultime coup d’œil sur sa tenue avant de sortir) forme comme une nouvelle fenêtre côté nord en reflétant la lumière venant du sud. Du parquet a remplacé l’ancien sol de cuisine devant le placard.

Du fait de son format 60 x 60 cm, le carrelage moucheté (Venitian Marble, rainbow) délimitant l’espace cuisine donne l’illusion d’un sol coulé. Le gris foncé des caissons et façades U shape (Ikea) est rehaussé par le plan de travail en chêne clair et la crédence en faïence blanche brillante (Manhatiles).

L’évier, placé face à la fenêtre, permet de profiter de la vue arborée sur cour tout en lavant sa vaisselle ou ses légumes. Le mitigeur doré (Nice) s’incline totalement pour permettre l’ouverture de la fenêtre. Malin.

Retour dans le couloir d’entrée. La porte ouverte sur ce qui semble bien être une chambre guide nos pas… Admirez au passage le magnifique parquet de chêne d’origine, juste poncé.

Nous voici effectivement dans la chambre parentale. Ambiance zen et sobriété pour ce lieu de repos. La peinture grise (Light Gray n° 17 de Farrow & Ball) posée en soubassement tout autour de la pièce fait ici office de tête de lit. En écho, le gris du plaid berbère en laine (THEM) invite à la paresse.

Un espace de rangement conséquent, composé de trois caissons Ikea agrémentés de portes Plum Living finition chêne naturel, et d’un module sur mesure, moins profond pour ne pas entraver l’ouverture de la porte, habille tout un mur. Un bloc a été gardé ouvert et peint en gris pour alléger l’ensemble et permettre de déposer bijoux, parfums etc.

Quelle chance de bénéficier d’une telle vue au réveil en plein Paris ! Les chevets suspendus, créés sur mesure et peints dans la même teinte que le soubassement, se font discrets. Sous la fenêtre, une nouvelle touche vintage avec ce banc en teck (circa 70) déniché à la boutique Sélection. Applique Enna par Astro.

Astucieuse, cette petite tablette sur mesure à fixation invisible permet d’afficher de la décoration, bien sûr, mais surtout de poser le rétroprojecteur. La prise électrique, ni vue ni connue, se cache derrière le collage encadré de l’artiste Malo de Paname ! Bougeoir et sculpture “soleil” faits main en Israël dans l’atelier de la céramiste Eloeil (THEM).

La cheminée d’origine a désormais un rôle purement décoratif. Elle a été déplacée de l’autre chambre afin d’accentuer l’ambiance « apaisante » recherchée ici par les propriétaires. L’applique murale (Grace, Diamant Gold, Elements Lighting) diffuse comme des rayons de soleil lorsqu’elle est allumée.

Après un dernier coup d’œil à la suspension vintage scandinave trouvée sur Le bon coin, quittons cette pièce pour nous diriger vers le salon…

… où l’on retrouve un soubassement gris (Empire Grey HC82, Ressource), mouluré cette fois. Sur la gauche, du mobilier chiné, sur la droite, un mur complet agencé sur mesure par Lucie. Et au plafond, modernisant la rosace, une suspension Screen 70’s XL de Market Set.

“Après avoir passé des heures et des heures à rechercher une table ancienne qui colle aux dimensions de l’espace repas, nous nous sommes résolus à prendre une table du commerce (Drawer) en bois foncé. Mais qui reprend les codes vintage des années 60-70.”

La bibliothèque entièrement ouverte file sur tout le mur du salon avec des espaces de différentes hauteurs, largeur, et se poursuit jusqu’au-dessus du coin repas, sur une profondeur plus importante grâce au renfoncement du mur. À cet endroit se trouvait auparavant le passage vers la deuxième chambre.

L’espace salle à manger est délimité par un papier peint qui, pour l’anecdote, reprend un motif de Black et Mortimer, la bande dessinée préférée du propriétaire. Pur hasard, le client s’en est rendu compte après la pose ! (Metropolitan Stories 2 réf. SP15533, AS Création). Chaises chinées en brocante dans l’Allier, suspension scandinave en cuivre (Le bon coin).

On voit très bien sous cet angle comment la dimension traversante de l’appartement a été valorisée grâce, entre autres, au décloisonnement de la cuisine, permettant de profiter d’une belle luminosité dans toutes les pièces.

Ici, la chine est à l’honneur : le canapé scandinave trouvé sur Selency se marie à merveille avec la table basse vintage que les propriétaires ont rapportée de leur ancienne maison…

… et avec les tables gigognes dénichées en Belgique. “La cliente souhaitait avoir des petits rappels Art déco. L’utilisation de touches dorées (ici sur le pot de fleurs) est une façon de répondre à ce souhait de manière subtile.”

L’accès à la chambre de Castille se fait désormais par cette porte nouvellement créée, permettant ainsi de profiter de la lumière et de la vue apportée par les fenêtres de chaque pièce. Le jeu de peinture permet d’intégrer la porte au reste de la pièce, petit clin d’œil aux portes dérobées des châteaux. “Je trouvais ça décoratif et amusant à la fois. Et les clients ont adhéré !”

Dans cet espace de 17 m², l’enjeu était d’offrir un vrai lieu pour recevoir les copains-copines, avec un canapé spacieux et confortable (Selency), une table basse, un meuble télé (avec la Playstation !)…

… mais également un bureau, une bibliothèque, un grand dressing, des plantes et bien sûr, un lit… de 160 cm ! L’idée de l’estrade, adaptée à la belle hauteur sous plafond, s’est vite imposée.

“J’aurais pu faire une estrade plus basse, mais je l’ai souhaitée de cette hauteur, car les ados n’aiment pas faire leur lit ! Le vide important entre le dessus du matelas et le dessous de l’estrade permet de laisser la couette et les oreillers en bazar, voire comme ici un ours géant, et de refermer le tiroir sans être gêné.”

À la suspension iconique Flowerpot (&Tradition), au-dessus du bureau, répond un modèle de (feu) Made.com, “trafiquée par mon entrepreneur pour s’intégrer à la rosace côté « salon »”.

Le dessin en escalier de la bibliothèque a été conçu pour pouvoir poser un maximum de plantes en cascade.

Sur le bureau de menuisier, choisi pour ses dimensions compactes, la lampe Bellhop de Flos apporte son peps en version jaune lumineux.

Depuis le bureau, la vue dégagée vers le square Henri Rousselle et le balcon filant invite plus à la contemplation qu’à la concentration ! On note là aussi la présence du soubassement peint (Rolling Fog 143, Little Green), fil rouge de l’appartement.

Nouvelle petite touche Art déco avec cette poignée de porte en alu nickelé satiné (1001 poignées).

Sur le chemin de la sortie, la salle d’eau. Le bois du meuble (Tikamoon) réchauffe là encore le blanc environnant (faïence et vasque). À l’entrée, à gauche, deux portes en biseau cachent d’une part le lave-linge/sèche-linge et d’autre part les produits ménagers et le linge de toilette.

Sobre et efficace, le mariage réussi d’un miroir Art déco en argent chiné sur Selency, auquel répondent les lignes graphiques de la vasque (Evineo).

La rondeur des appliques murales en porcelaine (Zangra) vient adoucir l’angulosité du miroir.

Dans la dernière pièce à découvrir pour clore cette visite, on retrouve une nouvelle nuance de gris (Pure Grey 6, Ressource), couleur présente dans tout l’appartement, et le même carrelage que dans la cuisine et la salle d’eau. L’harmonie jusque dans les moindres détails…

Les adresses « les yeux fermés » de Lucie :
 
Pour son offre pointue de meubles chinés : SELECTION by Stéphanie E. Outre le mobilier d’occasion en parfait état, un choix original de petites pièces déco à des budgets sympa. 12 rue de Mora, 95880 Enghien-les-Bains
 
Pour les fans des années 1950 à 70 : GENERAL STORE propose une nouvelle sélection de meubles chaque semaine. Le choix se fait sur leur site (generalstoreparis.com) mais vous pouvez également visiter le show-room (sur rendez-vous). Tori et Maxime sont au top ! 35 rue de Paradis, 75010 Paris
 
Pour l’ambiance joyeuse et le décor très réussi : la brasserie Paris-Enghien. À chaque fois, je flashe sur le poteau entièrement recouvert de petits bouts de miroirs de 2 cm sur 10. Et je me dis que l’artisan qui a fait ça s’est bien amusé ! 1, rue de l’arrivée, 95880 Enghien-les-Bains
 

Photographies : Juan Jerez
Texte : Edwige Nicot

Réalisation : Lucie Socrate