Accueil » Reportages » Artisanat local et minimalisme dans un 47 m² à Venise
Artisanat local et minimalisme dans un 47 m² à Venise
Ingénieure et designer belge, Laurence Humier vit en Italie depuis 2002. Après avoir successivement résidé à Milan et Syracuse, elle navigue désormais entre Naples et Venise, guidée par les événements culturels et les rencontres personnelles. Contrairement aux clichés touristiques, Venise est pour elle un « petit village », riche d’une ville invisible que seuls ses habitants peuvent appréhender.
Si les ruelles sinueuses et les canaux étroits font tout le charme de la ville, ils pourraient aussi représenter un défi logistique. Pourtant, Venise s’est depuis longtemps adaptée à cette topographie singulière : les marchandises circulent, les habitants s’organisent et les matériaux, livrés par bateaux, sont acheminés dans les ruelles à l’aide de chariots.
Bienvenue chez Laurence ! Pendant les 18 mois de travaux, la propriétaire a pu s’entourer d’artisans de confiance, prêts à relever les défis techniques et historiques de cette rénovation au charme italien. À l’entrée, le sol du séjour et de la cuisine combine un terrazzo d’époque à un terrazzo neuf.
Afin d’unifier les deux essences de marbre et pour la mise à niveau du sol, l’artisan a employé le Pastellone, une technique vénitienne traditionnelle à base d’huile de lin et de chaux. Ce procédé dessine un axe noir entre la cuisine et le séjour, transformant la contrainte technique en un véritable choix esthétique.
Aménagé dans un esprit minimaliste et fonctionnel, l’intérieur intègre des pièces uniques signées par d’autres designers italiens ou par Laurence Humier elle-même. Ses Meeting Chairs, présentes dans la collection permanente du MoMA et dans le séjour, permettent une mise en abîme de son travail et illustrent parfaitement sa vision de l’essentiel.
Des peintures datant du début du XXe siècle ont été découvertes au cours du chantier : il a fallu minutieusement gratter les couches blanches superposées au plafond pour faire réapparaître les motifs d’époque.
Deux restauratrices – présentes pour un autre projet – ont examiné les pigments et suggéré qu’il pourrait s’agir d’Affreschi : contrairement aux décorations peintes classiques, ces fresques sont réalisées sur un enduit de chaux encore humide, permettant à la peinture de s’intégrer chimiquement à la surface. Un procédé qui expliquerait la durabilité exceptionnelle de ces couleurs qui ont traversé le temps, sans souffrir des précédentes rénovations.
Dans la cuisine, un plan de travail en pierre naturelle provenant d’Afrique habille l’îlot central, compact et fonctionnel. Sa résistance en fait un choix idéal pour cet appartement polyvalent qui accueille également des locataires, et pour lequel la durabilité des matériaux est primordiale.
Le bois d’okoumé unifie l’espace en habillant les portes de placards ainsi que le passage desservant la chambre et la salle d’eau. Ces menuiseries, réalisées sur mesure, permettent d’habiller élégamment la partie technique de la buanderie ainsi que la ventilation et le dressing. Les poignées de portes, de la même essence, apportent un jeu de verticalité et accentuent l’harmonie de l’appartement.
Une fois la lumière du jour tombée, la suspension Parentesi Dimmer d’Achille Castiglioni et Pio Manzù habille les poutres laissées apparentes et donne du relief au mur blanc de la chambre.
Initialement composé de quatre pièces, l’appartement a été réorganisé pour une circulation plus fluide et des espaces agréables et adaptés à un mode de vie plus contemporain.
Dans la salle d’eau, l’émail lumineux de la vasque Montecatini de Gio Ponti, rééditée par Rapsel, contraste avec les tons sourds pétrole de la pièce. L’applique Metropoli d’Alberto Meda permet, une fois allumée, d’apprécier l’aspect façonné du plafond texturé. La faïence bleu nuit et le marbre de Ligurie au sol ont été récupérés grâce à un antiquaire du quartier, spécialisé dans la récupération de matériaux provenant de maisons de maître en rénovation ou en démolition.
Bois
Chaux
Design
Marbre
Pierre
Terrazzo
Photographies : Fabienne Delafraye
Texte : Inès Haget
Réalisation : Laurence Humier