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Aurélien Jeauneau, la relève des Puces

Portrait d'un nouvel antiquaire. Faire du shopping sur Internet, c'est pratique mais ça manque souvent de poésie. Aussi, nous vous proposons de redécouvrir le plaisir de chiner. Car chiner, c'est d'abord une aventure propice aux rencontres et à l'apprentissage, au bout de laquelle se trouve l'objet. Un objet d'autant plus précieux que nous ne le cherchions pas forcément. Il nous aura intrigué, séduit, convaincu de l'adopter. Il donnera à son nouveau cadre une touche originale, celle de sa riche histoire.

Et s'il y a bien un temple pour les chineurs du monde entier, ce sont les Puces de St Ouen. Souvent qualifié de plus grand marché d'antiquités au monde, c'est un endroit à l'atmosphère unique où se rencontrent puciers, collectionneurs et curieux. Il est divisé en douze marchés, qui ont chacun leur histoire et leur ambiance. Nous avons choisi de vous emmener au marché Paul Bert Serpette pour rencontrer l'antiquaire Aurélien Jeauneau.

Aurélien fait partie de cette nouvelle génération de galériste prenant la relève des "anciens". Alors qu'il se destinait à une carrière de professeur d'arts plastiques, il décide de faire de sa passion pour la "chine" et le vintage son métier ! Ce spécialiste de design français de la seconde moitié du vingtième siècle s'installe aux puces en 2013. Aujourd'hui, il nous accueille dans sa boutique située au 93 allée 6 du marché Paul Bert et nous présente quelques unes de ses pièces emblématiques, toutes du designer français Pierre Guariche. Bonne visite !
Portrait

La relève !

L'adresse

La galerie d’Aurélien se situe au coeur du marché Paul Bert Serpette.

La devanture

25 m² dans lesquels on retrouve les plus belles pièces de son sujet de prédilection : le design français de la seconde moitié du XXème siècle.

La commode

Le module de rangement « 1260 » fait partie d’un large programme d’ameublement décliné en différentes dimensions : 60, 120 ou 180 cm de largeur et 86 ou 118 cm de hauteur. Il a été dessiné selon les règles de proportions basées sur le nombre d’or mises au point par Le Corbusier.

Détail de la commode

C’est la première et seule unité d’ameublement pensée par un designer français durant cette période. Elle s’inscrit dans une volonté de proposer une solution complète d’aménagement pour les particuliers mais aussi pour les entreprises ou les collectivités.

Le fauteuil bleu

La chauffeuse « visiteur » est l’aboutissement de la recherche du designer sur une assise en « porte à faux ». Sa conception de base permet de la décliner en différents modules. Ici, c’est une chauffeuse, avec deux accoudoirs elle devient un fauteuil et accolée à d’autres éléments elle permet d’obtenir une banquette.

Détail du fauteuil bleu

Sa ligne, radicale et élégante, témoigne particulièrement bien de son époque.

Le fauteuil blanc

Le fauteuil « Rio » est l’assise cossue et bourgeoise du catalogue. Pierre Guariche le dessine en 1959. D’un grand confort où les épaules sont parfaitement maintenues par le dossier, ce modèle présente à l’œil les qualités d’un fauteuil moderne par sa tubulure épaisse et ses accoudoirs en chêne plein.

Détail du fauteuil blanc

Faisant écho au travail de Charlotte Perriand et de Jean Prouvé, ce fauteuil s’inscrit parfaitement dans la ligne des assises dessinées dans la période d’après guerre.

Le bureau

Le bureau Kadet de Pierre Guariche est le premier bureau entièrement démontable de l’histoire du design ! Il connaît trois déclinaisons : celle visible en photo, où le bois est rapidement remplacé par un revêtement en Formica, une seconde, plus brutaliste où le tiroir n’est qu’un baquet glissé sous le bureau et une troisième sans tiroir se présentant comme une table de travail. D’un faible encombrement, les dimensions étaient pensées pour une chambre d’étudiant ou un bureau de sténo !

Détail du bureau

Le tiroir est en plastique dur et épais. Plaqué en façade par la même essence que le plateau, il coulisse grâce à deux tasseaux en chêne plein fixes en dessous du plateau.

Les vases

Deux céramiques de la période 1960 – 1970.

Interview : Aurélien Jeauneau
 
Sloft Magazine : Comment es-tu devenu galériste au marché Paul Bert ?
Aurélien : Mon père était brocanteur sur son temps libre et quand j’étais petit je le suivais dans toutes ses pérégrinations. Je peux dire que je suis né avec « un pied dedans ». J’ai commencé très jeune à collectionner les 45 tours de l’époque yéyé et les chaises ! Beaucoup de chaises même, jusqu’à remplir une grange entière ! Mais je me destinais plus à devenir prof d’arts plastiques… Après une licence en arts plastiques et un master en histoire de l’art, j’ai quitté cette voie toute tracée pour aller travailler chez le marchand Pascal Cuisinier. J’ai passé deux ans à apprendre le métier chez ce spécialiste du design français dans sa galerie de la rue de Seine à Paris et dans son stand du marché Paul Bert. Un jour je me suis senti mûr pour ouvrir mon propre stand. Et depuis le mois de septembre 2013, je suis établi au 93 de l’allée 6 à Paul Bert !
 
Sloft Magazine : Pourquoi cette passion pour le « design français des années 50 / 60 » ?
Aurélien : Déjà parce que c’est une époque qu’on a envie d’aimer ! Les yéyés, le Concorde, la DS, une certaine légèreté, une confiance dans le futur… C’est une France dont on est nostalgique – même quand on ne l’a pas connue ! Plus sérieusement, le design français de ces années-là me parle. J’ai découvert cette esthétique sur les pochettes des 45 tours que je collectionnais et c’est comme cela que j’ai commencé à m’y intéresser. Cette époque là est synonyme d’émulation dans la créativité. De nombreux concours de design sont organisés en France et contribuent à l’affirmation d’un style. Les designers qui œuvrent à ce moment-là cherchent à produire du mobilier fonctionnel qui puisse correspondre à toutes les demandes, sans faire de compromis sur l’exécution. Ce sont de fait des pièces au design accessible avec des formes à la fois franches et rondes…
 
Sloft Magazine : Peux-tu nous parler de ta clientèle ?
Aurélien : Ma clientèle est constituée, à part égale, de professionnels de la décoration et de particuliers. Je remarque que la dynamique d’achat a changé chez les particuliers, notamment chez les plus jeunes. Ils se détournent de la consommation frénétique et cherchent des pièces avec plus de sens. Cela change aussi ma manière de vendre. Les pièces datent toutes des années 50 ou 60 et ne sont pas toujours en très bon état quand je les acquiers. Il y a donc tout un travail de restauration avec des artisans de très haut niveau. Maintenant, je mets ce travail davantage en avant et je me rends compte que les clients y sont très sensibles.
 
Sloft Magazine : Avec tous les nouveaux acteurs du mobilier qui se développent, sur Internet notamment, est-ce que le modèle du marché Paul Bert n’est pas un peu dépassé ?
Aurélien : Au contraire ! C’est une approche différente, beaucoup plus directe et intime. Lors d’une vente, je passe beaucoup de temps avec mes clients, un vrai échange a lieu. On parle d’eux, de leurs goûts, de leur intérieur et une confiance s’installe. Ce lien qui s’établit m’oblige et je ne peux pas me permettre de le briser avec une pièce qui ne serait pas restaurée correctement par exemple. Ou alors, si il y a un problème, je dois absolument leur offrir le meilleur service possible. On dit souvent entre nous, les galéristes de Paul Bert, que nous avons le meilleur SAV du monde ! On n’en fait pas la pub bien sûr, mais je crois qu’il est tacite.

Photographies : Maud Bernos
Texte : Grégoire